ThucyDoc n° 5 – Note de lecture : The European Union in International Climate Change Negotiations

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A. Stavros, The European Union in International Climate Change Negotiations, New York, Routledge, 2017, 206 p.

Les négociations internationales portant sur la lutte contre les changements climatiques ont émergé à la fin des années 1980. Depuis l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992, ces discussions se tiennent principalement dans le cadre des conférences annuelles des parties à ce traité. Ce long processus de négociation, très complexe, n’a pas été linéaire. Il a été jalonné par des épisodes de crise, des coups d’arrêt, des succès et la construction par étapes d’un régime international de lutte contre les changements climatiques encore en développement.

Cet ouvrage d’Afionis Stavros, issu de sa thèse de doctorat, examine justement les facteurs qui ont entraîné l’échec de l’approche dite « top-down » de la lutte contre les changements climatiques, symbolisé par la déception de la COP de Copenhague en 2009, et le passage depuis cette époque à une approche « bottom-up » consacrée dans l’Accord de Paris de 2015. Pour ce faire, l’auteur a choisi de se pencher sur le rôle de l’Union européenne dans ce processus, principalement entre 1986 et 2009. L’UE, qui est partie à la CCNUCC, a en effet joué un rôle crucial à plusieurs moments clés des négociations sur le climat.

L’ouvrage suit une trame chronologique, qui permet de suivre de manière aisée et synthétique le fil des négociations et la contribution de l’UE. Ce plan chronologique, qui se déploie sur les dix chapitres du livre, n’aboutit cependant pas à un travail purement descriptif. Au-delà de la simple chronique de la participation européenne aux négociations sur le climat, l’auteur propose en effet une analyse des raisons de l’échec de ces négociations, notamment lors des COP de la Haye en 2000 et de Copenhague en 2009. Pour ce faire, Afrionis Stavros utilise le cadre théorique proposé par les travaux d’Arild Underdal au début des années 1980.

En vertu de cette approche, Stavros distingue quatre écueils qui peuvent expliquer l’échec de négociations internationales et observe la manière dont l’UE y a été confrontée.

Le premier de ces écueils est d’adopter une approche qui conduit à proposer des solutions politiquement inacceptables à un problème international. L’UE a longtemps privilégié une approche descendante de la lutte contre les changements climatiques, en défendant l’adoption d’un accord international contraignant. Cette approche est sans doute la plus satisfaisante pour répondre au défi du climat d’un point de vue scientifique, mais elle prend mal en compte deux autres exigences pour qu’une solution soit politiquement acceptable : apparaître comme réalisable et équitable.

Le deuxième écueil survient lorsqu’un participant aux négociations subit une pression pour maintenir sa réputation ou son rôle au sein du processus de négociations. La volonté de l’UE de jouer un rôle de leader dans les négociations du climat a pesé sur la définition de ses positions. Ce fut par exemple le cas à La Haye en 2000, où l’UE a pu faire preuve d’une certaine intransigeance.

La troisième difficulté évoquée par Stavros est celle de l’incertitude. S’il s’agit d’une donnée classique de toute négociation internationale, l’auteur montre que dans le cas européen, l’incertitude a posé deux défis. D’une part, il a fallu s’assurer de la capacité de défendre des positions unifiées, cohérentes et de la cohésion des États membres lors des négociations internationales. D’autre part, l’incertitude peut pousser les interlocuteurs à être trop prudents ou à se réfugier autour de positions vagues pour éviter de s’engager. L’UE a dû convaincre ses interlocuteurs de la crédibilité de ses propres engagements, en s’appuyant sur les mesures prises au plan interne pour lutter contre les changements climatiques. Ce double défi a conduit l’UE à progressivement affiner son mode de fonctionnement sur la scène internationale. À partir de 2004 notamment, le mode d’élaboration et de représentation des positions européennes a été revu, avec la mise en place d’un système de lead negotiators, encore à l’œuvre aujourd’hui, qui a permis de remédier à certaines des difficultés liées à la présidence tournante de l’UE.

Enfin, le quatrième écueil auquel a été confrontée l’UE est celui de l’information. Une mauvaise compréhension des préférences des autres parties dans une négociation internationale risque d’empêcher l’identification d’une « zone of agreement », c’est-à-dire un espace d’accord potentiel dans lesquelles les préférences de chaque acteur se rencontrent.

Ainsi, si l’UE est souvent présentée comme un leader international sur le climat, cet ouvrage permet de nuancer cette appréciation en mettant en évidence la manière dont elle a pu, depuis la fin des années 1980, occasionnellement contribuer à certaines impasses des négociations internationales climatiques.  Ce retour historique sur la contribution européenne aux discussions sur le climat est le bienvenu car, en plus de fournir un utile récapitulatif de l’évolution de ces négociations, il donne à réfléchir sur les facteurs qui peuvent mener des négociations internationales à l’échec. La chronique de la participation européenne à ce processus de négociations permet également d’observer la manière dont l’UE, comme acteur international, s’est adaptée à sa propre transformation depuis la fin des années 1980. L’UE du sommet de Rio de 1992 et celle de la COP21 de Paris en 2015 sont en effet deux acteurs bien différents.

Grégoire GAYARD
23 mai 2018