La France et l’universel

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Résumé Dans son article célèbre consacré aux  » invariants  » de la politique extérieure de la France, Jean-Baptiste Duroselle rappelait, à juste titre, que l’invocation de l’Universel dans la pratique diplomatique française ne constituait pas seulement un discours, mais traduisait également une conviction partagée par tous les hommes politiques, lesquels agissent comme les porte-paroles d’une nation convaincue de sa singularité. Il serait sans doute possible d’ajouter que les gouvernants français cèdent d’autant plus volontiers aux délices de l’Universel, que la politique extérieure est le dernier domaine où il leur est possible d’énoncer des convictions sans être tributaires des « miasmes des polémiques intérieures », pour reprendre ici une expression fâcheuse de Roland Dumas . Il est certes de bon ton de dénoncer cette rhétorique grandiloquente et il serait encore plus aisé de se gausser d’un homme d’Etat qui aurait la naïveté de vouloir transcrire en acte ces professions de foi répétées. Jean-Pierre Cot en fit jadis la cruelle expérience… Dès ses origines, la doctrine réaliste – qui prit position contre le cosmopolitisme et l’idéalisme wilsonien – ne mettait-elle pas en garde contre « ces supposés principes abstraits » qui se révèlent en fait « comme le déguisement transparent d’intérêts égoïstes » ? Autre argument maintes fois repris par ses partenaires, la France se contenterait, non sans habileté, de déguiser ses intérêts mercantiles et son « nationalisme étroit » sous de nobles propos. Il n’est certes pas possible de réfuter globalement ces critiques tant la diplomatie française excelle à argumenter de neuf des demandes somme toute traditionnelles ; il n’est pas non plus possible d’ignorer les incidences de formules lyriques (l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, la libre circulation des hommes et des idées, l’exception culturelle…) qui ont largement contribué à définir l’agenda international. Aussi, cet article ne s’attachera-t-il pas à reprendre les accusations maintes fois répétées de duplicité. Son objet ne sera pas non plus d’étudier les modalités d’adaptation d’un outil diplomatique, confronté à des exigences contradictoires, ce qui exigerait d’inventorier dossier par dossier les grandes orientations diplomatiques de la France. Il s’agira avant tout d’analyser les implications politiques d’un discours et d’une pratique qui s’efforcent en permanence de résoudre dialectiquement les contradictions nées de la cohabitation entre la recherche d’horizons nouveaux et la défense d’intérêts immédiats. – Le sommaire de l’AFRI 2000