Pétrole, ordre ou désordre mondial

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EDITORIAL

Avec le thème du pétrole dans les relations internationales, Questions internationales ne sort pas de l’actualité. Actualité qui déborde largement la conjoncture, puisque les problèmes pétroliers dans leurs multiples dimensions sont depuis bien longtemps à l’ordre du jour de la société internationale. Qui se souvient de Tintin au pays de l’Or noir retrouvera même dans ce dossier quelques phrases qui, involontairement ou non, semblent en sortir tout droit. L’or noir .. A la différence de l’or monétaire, devenu depuis quelques décennies une relique barbare et progressivement marginalisé dans le système financier international, l’or noir a conservé voire accru son influence universelle. Il demeure, plus que jamais, la ressource énergétique dominante.

Les questions que soulève le pétrole sont, on l’a dit, multiples, et il a fallu faire des choix. On ne l’envisage pas ici en dehors de l’énergie, au demeurant son utilisation principale quoique non exclusive. En tant que source d’énergie, il sert à tout, directement – comme carburant, comme combustible – ou indirectement, en produisant d’autres formes d’énergie, comme l’électricité. Cette permanence résulte d’abord de l’absence de produit de remplacement, et le succès mitigé de l’énergie nucléaire, tout au moins sur le plan international, est connu. Elle résulte ensuite du prix peu élevé de sa production comme des bénéfices considérables qu’il génère pour tous ceux qui interviennent aux différents stades de son exploitation.

Mais ces problèmes ne se limitent pas à des données technologiques ou économiques. La dimension politique est omniprésente. Le pétrole contribue à déterminer la hiérarchie de la puissance entre Etats. Pour paraphraser Yves Lacoste à propos de la géographie, on pourrait également dire qu’il sert à faire la guerre – il est source de conflits, et il est indispensable à leur conduite. Il n’est pas moins indispensable à la stabilité des relations pacifiques. D’où par exemple les questions liées à la continuité et à la sécurité des approvisionnements pétroliers. Elles relèvent autant de la géostratégie que de la géoéconomie.

Le pétrole est encore à la croisée des relations interétatiques et de la puissance des acteurs privés sur la scène internationale, puisque sa mise en valeur est maîtrisée par quelques grandes firmes transnationales – mais la distinction est compliquée par la considération que ces compagnies sont souvent, en réalité, les instruments de stratégies étatiques. On trouvera, accompagnant une série d’études sur ces divers points, des cartes, des données et des encadrés qui permettent de visualiser et de récapituler les informations indispensables.

Pour le reste, ce numéro consacre largement ses autres rubriques à des thèmes liés à la sécurité internationale – intérieure si l’on veut lorsqu’il s’agit de l’Union européenne, mais précisément toute la difficulté est d’en faire sur ce plan un espace homogène. Le prisme de la construction européenne complique autant les relations entre les Etats membres qu’il les simplifie, et la fragilité de ses marges reste pour elle un redoutable défi.