Le conflit russo-tchétchène, écho du ‘choc des civilisations’

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Résumé Plus de dix années de guerre entre la Tchétchénie et la Fédération de Russie ont profondément altéré la nature même du conflit. La première guerre appartient au registre classique des luttes de libération nationale dans un contexte généralisé de décolonisation suite à la désintégration de l’URSS. Des tactiques de guérilla parfaitement employées face à une armée russe en décomposition et une stratégie politico-médiatique pertinente mènent à une victoire thétchène temporaire. Subissant une grave crise économique et sociale, la société tchétchène se désagrège pendant l’entre-deux-guerres et voit des groupes islamistes radicaux, dits wahhabites, contester l’ordre établi et l’Islam soufi confrérique traditionnel. Une conjonction paradoxale d’objectifs entre ces groupes, qui veulent établir un califat au Caucase, et le Kremlin, qui cherche à refonder l’identité nationale russe et à sauvegarder les intérêts de sa classe dirigeante, relance les hostilités. Les succès tactiques de la Russie, qui évitent les confrontations directes, la capacité du pays à imposer un huis clos médiatique et les divisions qui minent la résistance tchétchène aboutissent à une victoire russe partielle et à la tchétchènisation du conflit, à savoir la délégation du maintien de l’ordre à des supplétifs locaux. Le 11 septembre et ses suites permettent à Moscou d’imposer peu à peu sa représentation géopolitique du conflit, qui ne serait qu’un épigone d’une lutte civilisationnelle contre l’islamisme radical transnational. Les désespérances politique et personnelle des Tchétchènes poussent une partie à intégrer ce discours et surgissent alors une série d’attentats-suicides extrêmement meurtriers et une contagion progressive des républiques voisines. Oubliant ses objectifs politiques d4indépendance, ce conflit ne serait-il pas en train de devenir un écho de la prophétie auto-réalisatrice du « choc des civilisations » ? – Le sommaire de l’AFRI 2006