Petite et grande histoire autour de la crise iraquienne

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Résumé La crise iraquienne a concerné plusieurs « fronts » : l’Iraq et ses dirigeants, le Conseil de sécurité, l’Alliance atlantique et l’Europe, laquelle s’est déchirée entre le camp mené par les Franco-allemands et celui conduit par la Grande-Bretagne et l’Espagne appuyées, notamment, de l’Italie et de la Pologne. Les ressorts de la crise ont été eux-mêmes multiples et à géométrie variable : terrorisme, armes de destruction massive, changement de régime à Bagdad ont été les trois ingrédients qui ont servi tour à tour la cause des dirigeants américains et britanniques face à Saddam Hussein. S’agissait-il, en effet, d’éradiquer la menace d’armes de destruction massive réputées être détenues? S’agissait-il de continuer la lutte contre le terrorisme? S’agissait-il de procéder par force à un changement de régime ? Le thème du changement de régime pour instaurer la « démocratie » à Bagdad a fini par dominer toute autre considération. Pour le Président Bush et le Premier ministre britannique, le changement de régime se justifiait avant tout par le risque de collusion, qu’il fallait absolument éviter compte tenu de l’expérience du 11 septembre, entre un Etat-« voyou » détenteur supposé d’armes de destruction massive et des groupes terroristes. En fait, si cette crise a eu un aspect inquiétant, ce n’est pas tant par le trouble qu’ont créé la multiplicité et la confusion de ses facettes et les péripéties diverses qu’elle a engendrées, mais bien plus parce qu’elle a montré l’extraordinaire difficulté des dirigeants politiques à maîtriser une situation complexe. La dynamique de la crise leur a échappé en large part, les contraignant, au mieux à de brillantes improvisations, au pire à gouverner par manipulations. Cette crise est bien celle du retour de l’histoire où, de tout temps, les nations ont paru cheminer davantage aux hasards de l’histoire que sous l’effet de décisions rationnelles des leaders quelle qu’en soit leur origine – démocratique, dictatoriale ou dynastique. Dans cette cacophonie, le tandem franco-allemand s’est affirmé avec force. Paris n’aurait pas pu adopter la position ferme qu’il a prise pour donner sa chance à la logique de paix par le désarmement pacifique de Bagdad sans être sur la même longueur d’onde que Berlin et réciproquement. Paris et Berlin ont partagé le sentiment que la tentative américaine de renverser un dirigeant politique, si peu recommandable soit-il, dans le cadre d’un mandat de l’ONU demandant le contrôle et la destruction d’armes de destruction massive, était contraire à une pratique saine des relations internationales et lourd de dangers pour l’avenir. – Le sommaire de l’AFRI 2004