Le mot crise est singulièrement galvaudé lorsque l’on parle d’Europe. En lisant la presse, on pourrait croire que celle-là s’est construite en allant de crise en crise, à telle enseigne qu’on hésite parfois à y recourir. Et pourtant… Il y a crise, écrivait Gramsci, lorsque le vieux n’arrive pas à mourir et que le neuf n’arrive pas à le remplacer. Dans cette acception plus large, le concept retrouve toute sa pertinence.
L’Europe a mis près d’une décennie à se sortir d’un débat « constitutionnel dans lequel elle avait été lancée sans grande préparation. Elle n’a pu y parvenir qu’en empruntant des chemins détournés pour faire passer des choix qui n’avaient pas convaincu l’opinion dans tous les pays où ils ont été débattus. Une fois la ratification du Traité de Lisbonne péniblement acquise, on s’est aperçu que sa mise en œuvre était tout aussi laborieuse. La nouvelle Haute-Représentante pour la politique étrangère, C. Ashton, a passé plus de temps en négociations avec les institutions européennes et les chancelleries nationales que dans les enceintes internationales.
Comme le rapporte minutieusement André Dumoulin, il a fallu des années à l’Europe pour prendre acte de ce que la chute du Mur et l’élargissement de la sphère de compétences de l’Union européenne avaient rendu obsolète l’Union de l’Europe occidentale. Cependant, le monde n’attend pas l’Europe. Dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, où elle croyait avoir un leadership moral et technique, elle a subi un revers cuisant faute de parvenir à se montrer plus agile dans les négociations de Copenhague. L’analyse qu’offre de celles-là l’article d’Yves Tiberghien met en évidence l’ampleur des défis auxquels l’Europe va devoir faire face dans ce domaine. Pour y parvenir, elle devra faire preuve de sa capacité à jouer un jeu collectif. Le pourra-t-elle ou d’autres crises seront-elles nécessaires avant qu’elle n’y parvienne ?