La conception française du nouvel ordre international après la chute du Mur de Berlin

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Résumé Au seuil d’un nouveau millénaire et du XXIe siècle, le message gaullien n’est pas totalement dépassé, certains diraient démodé. Dans un monde multipolaire et globalisé, notre pays a sa carte à jouer en s’appuyant en priorité sur l’Union européenne. Et en évitant deux écueils qui ne conduisent qu’à une impasse : d’une part, abandonner toute ambition nationale ; d’autre part, parler sans fin de la grandeur et de la puissance en donnant des leçons aux autres. Le « mal français » – combinaison unique d’arrogance et d’auto flagellation – ne peut prendre fin qu’en respectant le principe de réalité. Pascal Bruckner a raison lorsqu’il affirme : « On ne défendra pas ‘ l’identité française ‘ en la protégeant plus encore mais en la confrontant à l’air du large. La crise de notre pays n’est pas seulement économique ; elle est d’abord culturelle. La France doit en finir avec les jérémiades et se jeter dans la mêlée, comprendre que la concurrence des autres pays et la construction de l’Europe constituent une émulation, non un affront ; un défi, non une défaite ». In fine, nous ferons trois remarques. La première concerne la diplomatie française. Celle-ci a successivement mis l’accent sur la politique de grandeur sous la présidence gaullienne, puis sur la diplomatie du rang ou du statut sous G. Pompidou, V. Giscard d’Estaing et F. Mitterrand, enfin, aujourd’hui la politique d’influence se substitue avec J. Chirac à la politique de puissance. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la conception de l’ordre international. La France face à la nouvelle Rome – les États-Unis – peut elle encore être l’« embêteuse du monde » pour reprendre la formule de J. Giraudoux? La seconde remarque porte sur l’aggiornamento de l’héritage gaullien. Celui-ci est en marche. Un effort de conceptualisation est même en cours pour moderniser et adopter la diplomatie française aux réalités nouvelles issues de la fin de la bipolarité des années 1945-1989. Jacques Chirac a été le premier chef d’État et le seul – dans le cadre du G7/G8 à Halifax dès 1995 – à mettre l’accent sur la nécessité d’engager une réflexion sur l’« humanisation de la mondialisation ». Quatre ans plus tard, au sommet du G8 à Cologne le 20 juin 1999, l’unanimité s’est faite pour reconnaître le « bien-fondé de cette exigence », même si – ici ou là – il y a des « approches différentes » ou des « divergences de vues ». L’évolution, sous l’aiguillon de Paris, mérite d’être soulignée. L’humanisation de la globalisation concerne naturellement les hommes, les pays pauvres, l’aide au développement (dette, programme d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, système de protection sociale dans les pays pauvres), en un mot la lutte contre l’exclusion des uns et des autres qui est le risque d’une « mondialisation qui ne serait pas maîtrisée ». Cela étant, la mondialisation présente des « avantages considérables en termes de création de richesse », en raison de la grande liberté des échanges. La troisième et dernière remarque porte sur la construction de l’Europe. L’Union européenne est pour la France le levier de la puissance rénovée et un multiplicateur d’influence. L’UE est aussi par excellence un micro-laboratoire de la multipolarité réussie et de la mondialisation civilisée et humanisée. Ce que le Premier ministre, Lionel Jospin, a traduit comme suit dans un article publié le 21 juin 1999 dans le journal International Herald Tribune : « Depuis un demi-siècle, l’Europe a construit – et continue de construire – une intégration économique fondée sur une union de nations respectant la diversité culturelle et sociale des peuples qui la composent. En s’appuyant sur cette expérience, elle peut contribuer à l’ère de la mondialisation, à l’émergence d’une meilleure gouvernance mondiale ». Cette thématique a été reprise devant l’Assemblée générale des Nations Unies dans son discours du 20 septembre 1999 : « Face à la mondialisation un choix s’impose. Nous pouvons nous en remettre à des lois économiques prétendument naturelles et, par là, abdiquer nos responsabilités politiques. Ou nous pouvons, au contraire, chercher à ordonner la mondialisation et à construire ainsi la maîtrise de notre destinée collective… Plus le monde se globalise, plus il a besoin de règles. Face à la tentation de l’unilatéralisme, il est plus que jamais nécessaire de se fonder, pour agir, sur des règles multilatérales respectées par tous ». N’est-ce pas la condition sine qua non pour que chacun tire parti de la globalisation et du nouvel ordre international ? – Le sommaire de l’AFRI 2000