La Corse au XVIIIe siècle, « école primaire des révolutions » ?

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En 1729, s’ouvrait en Corse un cycle de révoltes contre le maître génois et d’opérations répressives qui marqua le début d’un processus révolutionnaire. Cependant, il ne leur suffisait pas de briser une tutelle : il fallait inventer une société et un régime politique, les enjeux de pouvoir devant s’inscrire dans une nouvelle légitimité. En quête d’un juste monarque qui affranchirait l’île du joug génois, les insurgés hésitèrent entre une tutelle se substituant à celle de Gênes et l’indépendance. D’une consulte à l’autre, ils allaient expérimenter d’abord une monarchie, avec le baron allemand Théodore de Neuhoff, ensuite la dictature républicaine de Pascal Paoli. Ils allaient aussi demander à Rousseau de leur rédiger une Constitution. Au préalable, leurs théologiens avaient théorisé la « révolte légitime » contre un prince invalidé par sa tyrannie. Au terme d’une guerre de Quarante ans (1729-1769), le traité de Versailles délégua le 15 mai 1768 l’exercice de la souveraineté de Gênes à la France, juridiquement réversible jusqu’au vote de l’Assemblée nationale du 30 novembre 1789 officialisant l’intégration à l’Empire français. L’éphémère royaume anglo-corse (1794- 1796) ne put détourner l’île de l’ancrage français. Comme le suggère le parcours du jeune Bonaparte, l’histoire n’était pas écrite d’avance. Ses hésitations initiales doivent beaucoup au prestige acquis par Paoli durant son généralat. Ses accomplissements comme empereur prolongent aussi l’aspiration à un nouvel ordre qu’avait illustré l’éphémère royaume de Théodore. Cette Corse en recherche était pleinement de son siècle, le « Siècle des Lumières ».