Haute technologie spatiale et conflits

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Résumé C’est presque devenu un lieu commun que de souligner le caractère décisif de l’emploi de hautes technologies spatiales dans les conflits récents. À l’instar de l’importance prêtée aux médias dans le déroulement et l’enchaînement des opérations militaires, l’emploi massif des technologies spatiales les plus avancées est désormais considéré comme un fait incontournable avec lequel chaque pays doit composer, qu’il en bénéficie ou qu’il en soit la cible. Que ces deux aspects, politique et militaire, des conflits contemporains puissent être rapprochés ne doit pas étonner. Chacun à sa manière, ils participent de la « maîtrise de l’information », depuis sa « fabrication » jusqu’à sa « livraison », quel qu’en soit le destinataire, militaire ou « grand public ». L’Information Dominance, notion chère aux stratèges américains, peut ainsi se comprendre de deux façons; l’une strictement militaire qui confère aux forces armées d’un pays une supériorité technique sur leur adversaire ; l’autre plus large qui permet aux États partis aux conflits d’en façonner l’environnement politico-stratégique afin d’assurer la légitimité de l’action militaire et sa bonne fin sur la scène internationale. La propagande n’est pas un fait nouveau, mais que des moyens militaires d’information de plus en plus sophistiqués et complets puissent constituer, presque à eux seuls, l’intégralité de la chaîne de l’information comme on a pu le constater pendant le conflit du Kosovo, voilà qui est sans doute un fait marquant de notre époque. Alors que certains n’hésitent pas à considérer l’avènement des techniques spatiales comme une preuve « empirique » de la « retraite de l’État » en général, les leçons tirées par les militaires des conflits « médiatisés » semblent pourtant montrer une remarquable capacité des États à s’adapter aux processus de globalisation de l’information. Les éléments apportés quasiment en direct par les forces armées, loin d’être considérés avec suspicion, comme lorsque les classiques bulletins d’information militaires étaient synonymes d’un « black-out » sur l’information, semblent jouir plutôt aujourd’hui d’une bonne acceptation naturelle tant « la technique ne peut mentir ». Tel fut en tout cas le sens des efforts inaugurés pendant la guerre du Golfe, et celui du pari de la « transparence » tenté par l’OTAN pendant les opérations du Kosovo, certes avec quelques « ratés »… C’est dans ce cadre général qu’il faut analyser l’accent mis aujourd’hui sur les systèmes spatiaux en tant qu’éléments cruciaux des conflits futurs (les Américains utilisent pour cela l’expression générale de Strategic Enablers). La collecte d’un nombre croissant d’informations sur le terrain, ainsi que leur transmission à des acteurs de plus en plus divers (compte tenu des coalitions multinationales de plus en plus fréquentes) ou répartis (du fait d’opérations militaires de type maintien de la paix par exemple, impliquant parfois de petites unités dispersées) lors des conflits armés, tendent à faire des satellites de surveillance, d’observation et de télécommunications une véritable épine dorsale tactique et stratégique. Leur emploi débordant les limites temporelles du conflit, ils deviennent aussi des moyens stratégiques d’information dont les États désireux d’afficher plus largement leur souveraineté ou leur puissance ne peuvent se passer, même (et peut-être surtout) en temps de paix. Cet intérêt général pour une utilisation croissante de la technologie spatiale dans la conduite des affaires politico-militaires alimente donc des programmes (on parle aujourd’hui volontiers d’architectures spatiales) de plus en plus coûteux et ambitieux avec la perspective d’en faire un des facteurs clé des rapports internationaux à l’horizon des prochaines années. – Le sommaire de l’AFRI 2000