Introduction – DESARMEMENT, MAITRISE DES ARMEMENTS, NON-PROLIFERATION

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L’année 2008 a été une année contrastée, marquant quelques avancées dans un contexte de blocages traditionnels et de maintien de positionnements classiques.

Le multilatéralisme est la victime principale de tels blocages et, à cet égard, on ne peut que continuer à déplorer, comme les années précédentes, la paralysie structurelle de la Conférence du désarmement à Genève, qui a continué sa recherche d’un introuvable programme de travail. Le débat sur le désarmement dans l’espace aurait pu rebondir à l’occasion du dépôt par la Chine et la Russie d’un projet de traité sur l’interdiction de placer ou d’utiliser des armes dans l’espace extra-atmosphérique, mais, selon un scénario déjà joué, les Etats-Unis ont repoussé ce projet au motif qu’il n’était pas vérifiable.

En matière d’armes de destruction massive, 2008 a été une petite année. Active en termes de débats et d’affichage de positions gouvernementales et non gouvernementales diverses, elle a néanmoins vu peu d’avancées substantielles, y compris dans la négociation bilatérale russo-américaine sur la succession du Traité START à l’échéance de décembre 2009. Peut-être cette année marque-t-elle le terme de ce que P. Dahan et J.-F. Guillaume désignent fort à propos dans leur article de la présente rubrique comme la « décennie désespérante » de l’arms control, à laquelle pourrait faire suite, selon leurs vœux, une « décennie prometteuse ».

S’agissant particulièrement d’armes nucléaires, on a pu noter un certain renouveau des débats. L’année a été inaugurée par une tribune remarquée de G. Shultz, W. Perry, H. Kissinger et S. Nunn dans le Wall Street Journal du 15 janvier, où les auteurs se faisaient les avocats du désarmement nucléaire, en reprenant de manière un peu plus pressante un discours tenu sur ce même sujet un an plus tôt dans le même journal. Le thème d’un monde exempt d’armes nucléaires a semblé susciter cette année un certain engouement et d’autres initiatives ont accompagné le mouvement, tels par exemple la conférence internationale sur le désarmement nucléaire d’Oslo en février, la lettre du Secrétaire général des Nations Unies (Five steps to a nuclear-free world) en novembre, le lancement de l’initiative Global Zero à Paris en décembre.

Dans une vision plus large, retenons aussi l’initiative du Premier ministre australien d’établir une Commission internationale sur la non-prolifération et le désarmement nucléaires, lancée le 25 septembre à New-York, avec un programme de travail de deux ans, sous la co-présidence de Gareth Evans et Yoriko Kawaguchi, anciens ministres des Affaires étrangères australien et japonais.

Ces initiatives, faut-il le souligner, se situent, entre autres enjeux, dans la perspective de la Conférence quinquennale d’examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires, qui se tiendra au printemps 2010. Dans le même temps, les deux crises de prolifération nucléaire qui dominent l’agenda depuis plus de cinq ans (Iran et Corée du Nord) connaissent d’improbables développements. Le régime de Pyongyang met à mal le plan d’action agréé en décembre 2007 dans le cadre des Pourparlers à six et revient à plaisir sur ses engagements de désarmement nucléaire ; toutefois, il a consenti à déposer fin juin 2008 la liste de ses activités nucléaires et à passer début octobre avec les Etats-Unis un accord sur d’importantes mesures de vérification, obtenant de ce fait un renoncement américain à désigner la Corée du Nord comme un Etat soutenant le terrorisme. L’Iran, sous le coup des sanctions édictées par trois résolutions du Conseil de sécurité depuis 2006, continue de développer ses capacités d’enrichissement de l’uranium et de refuser toute mesure de transparence et toute réponse aux demandes d’explications requises par l’Agence internationale de l’énergie atomique quant à la nature éventuellement militaire de ses programmes nucléaires ; ce pays joue, ce faisant, un rôle déterminant dans la fragilisation du régime global de non-prolifération nucléaire.

En dépit de ce contexte, la rubrique « désarmement, maîtrise des armements, non-prolifération » fait cette année une place importante au désarmement conventionnel. P. Dahan et J.-F. Guillaume traitent du cas exemplaire du transport illicite par voie aérienne des armes légères et de petit calibre. Ce problème difficile a fait l’objet depuis 2005 d’une initiative française innovante, caractérisée par une approche diversifiée, orientée vers une multiplicité d’acteurs internationaux et de forums multilatéraux (Conseil de sécurité, G8, OSCE, Union européenne, Arrangement de Wassenaar). Au-delà d’un exercice qui, quoiqu’à un stade encore préliminaire, semble couronné de succès, les auteurs mettent en perspective les leçons de pragmatisme qu’enseigne la diplomatie multilatérale et s’interrogent sur ce que pourraient être les règles et les bonnes pratiques d’un arms control renouvelé au XXIe siècle. C. Grand, pour sa part, propose une analyse approfondie de la Convention sur les armes à sous-munitions ouverte à la signature à Oslo début décembre 2008, au terme d’un processus entamé en février 2007. Ce processus d’interdiction d’une catégorie très spécifique d’armes conventionnelles est à la fois exemplaire et peut-être difficilement reproductible, en ce qu’il se situe à la limite du droit humanitaire et de la diplomatie multilatérale du désarmement. Le mouvement, emmené par l’Irlande et rassemblant un groupe d’Etats like-minded, a été porté, comme le Processus d’Ottawa, par une forte mobilisation d’ONG, puis a rallié l’adhésion d’Etats initialement réservés et a finalement été signé dès le premier jour par 94 Etats. Même si quelques pays détenteurs et utilisateurs majeurs n’en sont pas parties, cette Convention a créé désormais une norme.