Introduction – LA POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS-UNIS

Partager sur :

Si les élections américaines de novembre 2008 on été sans nulle doute historiques, il reste encore à voir si elles vont être décisives. L’arrivée d’un Démocrate métis à la Maison- Blanche, Barack Obama, bouscule certes toute les catégories habituelles, mais dans quelle mesure la politique étrangère en sera-t-elle affectée ? Le monde entier attend un changement par rapport aux huit ans de diplomatie Bush, où l’unilatéralisme, le mépris des alliances et l’usage quasi exclusif de la force ont fortement entamé le crédit américain, même parmi les alliés les plus proches. Le nouveau Président, avec le soutien de sa majorité démocrate au 111e Congrès (2009-11) devrait mettre un terme à la culture de l’affrontement et de la polarisation des dernières années. Toutefois, le déséquilibre de puissance entre l’Amérique et ses alliés – notamment l’Europe – est tel qu’il pousse de toute façon les Etats-Unis à agir seuls. Ainsi, tant que les pays européens ne s’unissent pas de façon crédible, les Etats-Unis domineront totalement le camp occidental. Le seul remède à cette prééminence – quels que soient les discours de droite ou de gauche prônant une solution « nationale » (jamais véritablement précisée par ailleurs) – serait une Union européenne forte. En revanche, la fragmentation du Vieux Continent appelle une politique américaine qui fera primer son intérêt national avec plus ou moins de concertation[[Il sera même particulièrement intéressant de voir l’action d’une administration démocrate dont le principal responsable n’a pas d’attache personnelle à l’Europe, mais à l’Afrique et à l’Indonésie. La dimension « affective », caractéristique des liens transatlantiques jusqu’à présent, risque fort de s’atténuer.]] : la rupture de 2003 est dorénavant inscrite dans la durée, de sorte que les différences entre l’administration Bush et celle d’Obama risquent d’être surtout symboliques, comme la fermeture, tant attendue, de la base de Guantanamo, décidée au lendemain de l’investiture en janvier 2009, ou le retrait graduel des forces américaines d’Iraq[[Mark MAZZETTI / William GLABERSON, « Obama issues directive to shut down Guantanamo », New York Times, 21 janv. 2009. Quant au retrait graduel d’Iraq, les chiffres qui circulent font état de 60 000 soldats américains maintenus sur place.]] .

Le texte d’Alexandra de Hoop Scheffer tente d’anticiper les évolutions probables de la diplomatie américaine en partant des décisions prises pendant la période de transition, pour brosser ensuite un tableau général des différents enjeux. Selon elle, le réalisme et la recherche du consensus seront les données directrices de la nouvelle équipe présidentielle. Les choix opérés jusqu’à présent s’inscrivent pleinement dans la lignée qui était celle des « nouveaux Démocrates » clintoniens. Cependant, ces choix ne signifient pas pour autant que la diplomatie à venir sera forcément plus modérée vis-à-vis des menaces de toutes sortes qui entourent l’Amérique. Déjà, lors de la campagne, Barack Obama a fait tout son possible pour ne donner aucune prise à l’argument républicain selon lequel un Démocrate à la Maison-Blanche était un risque pour la sécurité du pays, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. On se souvient que lors de précédentes échéances électorales, en 2002 et en 2004, cette tactique républicaine de la « décrédibilisation » des Démocrates sur les questions de sécurité avait été rédhibitoire. Choisissant Joe Biden comme colistier, Barack Obama voulait anticiper les critiques conservatrices en s’associant à un connaisseur des questions internationales, crédible en matière de sécurité. La nomination d’Hillary Clinton au poste de Secrétaire d’Etat peut aisément s’interpréter de la même façon, mais il y aussi un autre élément intéressant dans la désignation de Mme Clinton, que relève justement l’article d’Alexandra de Hoop Scheffer : Barack Obama a constitué une équipe faite de fortes personnalités, parfois antagonistes. Cette option a comme avantage de garantir la liberté de choix du Président en affaiblissant la capacité des membres de l’administration à se constituer en alternative face aux initiatives présidentielles. Il est en effet essentiel pour un Président de reconstituer en interne, au sein même de l’exécutif, la « division des pouvoirs » caractéristique du système politique américain. Même George W. Bush, au début de son mandat, avait une équipe suffisamment diverse pour que les oppositions vis-à-vis de l’invasion iraquienne soient particulièrement intenses. En recentrant le discours démocrate et s’assurant une position dominante, Barack Obama a tous les moyens pour faire des Etats-Unis un leader stratégique et non pas hégémonique. L’article d’A. de Hoop Scheffer peut ainsi conclure sur l’« internationalisme réaliste » qui semble devoir caractériser la nouvelle diplomatie américaine.

Le réalisme est aussi à l’ordre du jour en ce qui concerne un autre aspect des relations américaines avec ses voisins, l’immigration, notamment mexicaine. Comme l’indique Emmanuelle Le Texier dans le second texte de la rubrique, l’immigration illégale constitue plus que jamais un enjeu fondamental dans les relations bilatérales, tout comme le commerce, le trafic de drogue et la sécurité. Les efforts du président Bush ont été constants en la matière. Fort de son expérience de gouverneur du Texas, il a tenté de définir un cadre légal à l’immigration mexicaine. Toutefois, son projet a échoué au Sénat au printemps 2007 devant l’opposition de ses propres troupes. Qu’en est-il avec la nouvelle administration ? Barack Obama a promis, lors de la campagne, de mener la réforme de l’immigration dans la première année de son mandat[[« The Border Closes », The Economist, 18 déc. 2008.]]. Dans son équipe, il a nommé des Hispaniques – Ken Salazar, sénateur du Colorado, au poste de Secrétaire à l’Intérieur – et des responsables familiers des problèmes de la frontière sud – notamment Janet Napolitano, gouverneur de l’Arizona – et de ceux des immigrants – Hilda Solis, Secrétaire au Travail et d’origine à la fois mexicaine et nicaraguayenne. Cependant, l’absence relative de la question dans le débat présidentiel de 2008 est aussi de mauvais augure : Barack Obama oriente son action sur les questions économiques en priorité ; et si l’immigration mexicaine s’impose à nouveau, cela sera certainement par le prisme d’une éventuelle renégociation de l’ALENA. Toute autre approche semble peu probable, d’autant que les opposants à la réforme de 2007 sont encore présents au Congrès, à l’exception de Tom Tancredo qui, après s’être retiré à la présidentielle, n’a pas été non plus candidat à la réélection. Dans ces conditions, les incitations à traiter le sujet sont faibles pour la nouvelle administration. Cette relative paralysie de l’Etat fédéral risque de renforcer l’activisme des Etats fédérés dans la gestion de l’immigration. Ce faisant, les Etats s’insinuent dans des compétences régaliennes traditionnelles de l’Etat fédéral – non seulement l’immigration per se, mais aussi les relations avec le Mexique. C’est un phénomène qui, malgré son relatif manque de visibilité, est révélateur d’une évolution profonde dans la relation bilatérale Etats-Unis-Mexique.