Introduction – NOUVELLES TECHNOLOGIES ET RELATIONS INTERNATIONALES

Partager sur :

Il est aujourd’hui devenu presque trivial d’affirmer que la société de l’information et ses manifestations les plus contemporaines (Internet, réseaux d’informations au sens large) constituent un facteur à part entière des relations internationales. « Colonne vertébrale de notre monde globalisé », comme l’exprimait récemment un haut responsable des Nations Unies[[Cf. l’article de Jean-Louis Fullsack dans cette rubrique.]], l’Internet suscite aujourd’hui réflexions et stratégies à la hauteur des enjeux qu’il a fait naître, enjeux proprement politiques, comme le rappelle Jean-Louis Fullsack. C’est dans la perspective du suivi du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) confié à l’UNESCO, avec ses trois étapes (Genève 2003, Tunis 2005 et Hyderabad 2008) et en particulier du Grand programme V « Communication et information » et de son axe « Relever les défis éthiques et sociétaux de la société de l’information », que le débat international se poursuit[[Pour une approche de la problématique générale issue du SMSI, cf. Jean-Louis FULLSACK / Michel MATHIEN (dir.), Ethique de la « société de l’information », Bruylant, Bruxelles, 2008, 266 p., avec une préface d’Alain Modoux, président d’ORBICOM.]]. Comme le stipule la ligne d’action C10 : « la société de l’information devrait reposer sur des valeurs universelles, chercher à promouvoir le bien commun et éviter les utilisations dommageables des TIC ».

Pourtant, la communauté internationale peine à trouver les consensus nécessaires à la gouvernance de l’Internet, signe du caractère stratégique de la forme définitive que prendra l’Internet et de son influence sur la société de l’information qui en découlera. Stratégies nationales antagonistes marquées par une nette domination américaine, incertitudes sur les acteurs futures de la gouvernance de l’Internet et sur leur statut, public ou privé, difficile construction d’une action européenne sur le sujet sont autant de points d’interrogations qui sous-tendent les prises de position internationales des prochaines années.

Même si la sécurité de l’information et des réseaux n’est pas la seule préoccupation du monde numérique, elle justifie pourtant à elle seule que les Etats prennent la parole et s’entendent. L’importance prise par ces réseaux dans la sécurité des personnes et des biens n’a d’égale que la diversité et l’intensité des attaques qu’on constate sur ces mêmes réseaux. Cette fois, nous explique Alain Esterle dans son article, l’Europe a clairement pris conscience de l’importance vitale du sujet et s’est consacrée à la sécurité des réseaux à défaut peut-être d’avoir une vision précise de sa gouvernance d’ensemble comme on vient de le voir. Il reste que l’effort est d’importance, se soldant de façon à la fois effective et symbolique par la création d’une Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information en 2004. Deux facteurs contribuent à renforcer la nécessité d’efforts européens soutenus : les avancées technologiques, qui renouvèlent constamment les types d’attaques ou d’intrusion, et surtout la nature des cibles possibles, ces fameuses infrastructures critiques hautement informatisées, qui constituent par définition l’épine dorsale de l’activité économique et sociale de nos sociétés et donc l’un de leurs talons d’Achille. A ce titre, la prise de conscience, en 2004, de la nécessité d’accroître l’effort de recherche et développement européen sur les thématiques liées à la sécurité du citoyen s’est traduite par l’étude de projets de protection des infrastructures critiques, au premier rang desquels des projets de protection informatiques. Là encore, la coïncidence entre stratégies nationales et européennes n’est pas assurée et doit être un chantier prioritaire. A l’ère des échanges d’informations planétaires, leur sécurité reste avant tout affaire de souveraineté nationale. L’un des défis demeure donc l’unité des capacités et des prises de consciences et nationales, préalable à toute entente collective.

Ethique et responsabilité doivent être déclinées aussi dans le domaine de la bio-éthique où ils font également face à des difficultés. Le dernier sommet des comités nationaux d’éthique, qui s’est tenu à Paris en septembre 2008, a bien mis en évidence la reconnaissance commune de l’urgence des questions d’éthique posées à la communauté humaine, mais aussi la diversité de points de vue empreints de cultures sous-tendues par des principes moraux ou religieux, véritables pivots des prises de position nationales. Défi d’une autre nature, mais défi, là encore, de souverainetés mises à mal, la bio-éthique entre de plain-pied dans la recomposition des relations internationales, ainsi que nous le montre l’article de Pierre le Coz.

Loin de la fluidité de l’information, la réalité des ressources naturelles et de leur appropriation par les Etats resitue en apparence le débat dans une Realpolitik plus familière. Clef de voûte de l’essor économique et parfois technologique de beaucoup d’Etats, au premier rang desquels la Chine, les ressources minérales sont l’objet d’un regain d’intérêt de nature très géopolitique, comme l’ont été et le sont encore les ressources énergétiques. Au-delà de représentations simples, l’article de Jacques Thibiéroz nous fait prendre conscience de l’importance des marchés mondiaux dans l’élaboration de stratégies complexes d’accès et d’exploitation de ces ressources. La présence d’acteurs multiples renforce à bien des égards la compétition de points de vue nationaux et nous rappelle qu’une nouvelle géopolitique des ressources naturelles jouera sans doute comme un facteur à part entière des équilibres futurs de la globalisation.