Dans le domaine de la sécurité internationale, l’année 2007 confirme une tendance qui ne cesse de s’amplifier, celle du reformatage en profondeur de la scène internationale et donc des grands enjeux qu’elle recèle. Sous le triple effet des bouleversements démographiques, de la mondialisation et des progrès technologiques révolutionnaires, l’équilibre entre nations, les rapports entre continents et les enjeux de puissance se trouvent en phase de redéfinition fondamentale, sans qu’on puisse encore déceler ce vers quoi cela conduira l’humanité. Dans ce contexte aux contours des plus incertains, les Etats-Unis et certains de leurs alliés européens considèrent dès lors qu’il ne peut qu’y avoir unité stratégique entre les deux rives de l’Atlantique. En témoignent par exemple l’affirmation maintes fois scandée selon laquelle l’ouest défend sa sécurité dans l’Hindu Kush aux confins de l’Afghanistan, assertion qui s’apparente plus à un slogan qu’à de l’analyse stratégique; ou encore l’idée qu’en acceptant le principe du déploiement de systèmes anti-missiles sur leur territoire, la République tchèque et la Pologne concourent à la défense globale du monde occidental. Dans cette perspective, Washington accentue ses pressions pour faire de l’OTAN l’organe principal de la sécurité occidentale. En la matière, la position de la France a toujours été de préserver sa capacité de décision autonome, mais aussi le potentiel de développement autonome de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense. Cette position traditionnelle est reconnue par nos partenaires de l’Union: s’ils ne se rallient pas explicitement à nos vues, ils s’en servent néanmoins comme point d’appui pour résister aux pressions américaines lorsque ces dernières sont jugées excessives. Une des questions débattues lors de la campagne électorale a été de savoir si on devait faire évoluer la position française sur le rôle et la fonction de la PESD (Politique européenne de sécurité et de défense): la PESD serait en effet appelée à agir au profit d’une OTAN transformée en organe d’action planétaire pour la résolution de crises pour lesquelles Washington estimera nécessaire l’appoint de ses alliés européens, notamment dans la phase stabilisation/reconstruction. La situation qui prévalait avant les élections présidentielles du printemps 2007 suggérait un modus operandi, caractérisé notamment par davantage de discrétion et de prudence de la part de Paris, ce qui paraît fort judicieux en raison des effets induits du rejet par les Français du Traité constitutionnel, mais aussi des limites qui devraient être rapidement atteintes dans les concessions militaires que les Etats européens, dans leur grande diversité, pourront consentir à Washington compte tenu des expériences récentes (notamment le fiasco iraquien). Il convient de prendre également en considération les perspectives politiques américaines dans les prochaines années, qui seront, de toute façon, marquées par un changement d’administration et, sans doute, une approche radicalement nouvelle de la sécurité internationale. Les Etats-Unis vont s’orienter pour l’essentiel vers l’Asie Pacifique, où les Européens ne sont pas prêts à s’engager militairement. Par conséquent, le partenariat stratégique Europe/Amérique du Nord va évoluer vers moins d’Amérique dans les affaires de sécurité européenne et moins d’Europe dans la grande stratégie américaine. Nos partenaires européens comprennent comme nous la logique américaine, mais joueront encore pour un temps, mezza vocce, le jeu de Washington, car le but de la plupart d’entre eux est de s’acheter une sécurité à bon compte, au prix de concessions très limitées sur un engagement militaire calibré au plus juste dans des opérations militaires planifiées et contrôlées par Washington, ainsi que l’a démontré l’affaire iraquienne. N’en faisons donc pas de trop, le temps travaille pour les intérêts français.