L’évolution médiatique et communicationnelle, vue sous tous les angles possibles, est d’abord dépendante des médias eux-mêmes et de leurs propres choix d’organisation et d’action dans un contexte concurrentiel croissant. L’enjeu de l’occupation de l’espace médiatique international en expansion ne les concerne évidemment pas eux seuls. La crise internationale, liée à la guerre déclenchée unilatéralement en Iraq par les Etats-Unis en 2003, a montré l’intérêt pour les Etats d’y être présents. La création de chaînes internationales de télévision en est une modalité, comme en témoigne la floraison de canaux nouveaux comme Al-Hurra en 2004, la chaîne internationale en langue arabe lancée par les Etats-Unis en 2004, ou, enfin, la Chaîne française d’informations internationales qui émettra en 2005 (cf. l’encadré de Gérald Arboit dans la rubrique «La France et le monde» de ce volume). Manifestement, cet espace médiatique international n’a pas pour principe d’obéir aux seules lois de l’économie libérale en matière de diffusion de biens culturels ou d’information. En soi, il est déjà une «exception culturelle» dont les défenseurs ne sont plus ceux à qui l’on pense habituellement sur ce registre. En raison du contexte international de l’année 2004, il est donc normal de poursuivre l’observation des pratiques médiatiques dans le cadre des tensions qui se sont poursuivies et qui sont toujours motivées par les menaces terroristes et par la peur, réelle ou construite, qui en découle dans les systèmes sociaux visés ou qui se considèrent comme tels. Comme cette année a surtout été celle de la confirmation des mensonges ayant justifié l’entrée des Etats-Unis dans la guerre contre l’Iraq, il nous a semblé utile de revenir sur ce sujet par deux approches spécifiques. La première porte sur [«les médias et l’exploitation politique des services du renseignement»->1434] (Gérald Arboit et nous-même). Les services américains et britanniques ont été particulièrement mis en cause en 2004, tout comme les médias qui en ont été les relais dans l’argumentation. L’objet de l’article est de faire un rappel des faits et des modes de relations, de dépendance et d’interdépendance des médias vis-à-vis de ces sources et des responsables politiques qui les dirigent : ce qui, dans le contexte général d’évolution des médias, n’est pas sans poser d’interrogations sur l’avenir. Ceci est en lien avec l’objet de la seconde approche qui, en fait, est la poursuite de l’analyse et de l’observation entamées l’an passé dans ces colonnes : nous avons pris acte de la poursuite de l’autocritique tardive de bien de médias anglosaxons et de leurs responsables face au traitement de l’actualité de la guerre en Iraq. C’est le sens de notre article intitulé [«Les médias américains comme anti-modèle. L’ère de l’autocritique et de la critique du journalisme?»->1456] L’actualité du début de l’année 2004 a aussi été marquée par une grave crise politique dans les Antilles, avec une guerre civile en Haïti. La communauté internationale s’y est impliquée avec la médiatisation qui en a résulté inévitablement. D’où l’intérêt d’une analyse a posteriori par un observateur établi aux Antilles françaises, Bruno Ollivier, dont [l’article «sur les médias en difficulté»->1457] dans cette crise pointe l’usage d’un média en soi, «le téléphone portable au pays de l’oralité». Enfin, alors que l’espace médiatique international est en plein mouvement, la contribution de Patricio Tupper sur [«IPS ou une offre information internationale hors normes»->1458] vient rappeler que l’information alternative existe. Ceci, quarante ans après la publication du rapport de Sean MacBride à l’UNESCO, Voix multiples, un seul monde, qui donna lieu aux débats sur le Nouvel Ordre mondial de l’information et de la communication ou NOMIC. In fine, ces articles sont donc à lire de façon complémentaire, comme cela peut être le cas pour d’autres contributions de ce volume. Ils ne sauraient, par exemple, être dissociés de la réflexion largement engagée par les Etats, l’ONU ou encore la «société civile» sur la «société de l’information» et le Sommet mondial de Tunis de novembre 2005 (cf. l’article d’Alain Kiyindou dans la rubrique «Nouvelles technologies et relations internationales»). – Le sommaire de l’AFRI 2005