Rationnel ou raisonnable ? Le projet d’une intervention américaine contre l’Iraq

Partager sur :

Résumé Qu’il me soit permis au départ de m’inspirer d’un auteur, même s’il ne s’agit pas d’un spécialiste des relations internationales : André Thirion, ancien surréaliste et auteur de Révolutionnaires sans Révolution. Il a cette formule, que je cite de mémoire : « En France, les intellectuels ont toujours été plus sensibles aux raisonnements qu’à la raison ». Il y a là la clef d’une distinction entre rationnel et raisonnable, que l’on retrouve sous une autre forme sous la plume de Raymond Aron, lorsqu’il qualifiait de « délire logique » la conception que le général Gallois défendait de la dissuasion. Il existe en effet un hyper-rationnalisme qui peut être une variante de la déraison. C’est fréquemment le cas des théories du complot. L’exemple du « redan Bertillon », qui établissait la culpabilité du Capitaine Dreyfus à partir de l’efficacité de sa défense est resté célèbre. Les rapports de la raison avec la folie sont en effet bien connus – le fou étant celui qui a toujours raison, ce que je ne prétends certes pas pour mon compte. Je n’oublie pas qu’il faut s’attacher à une donnée concrète, le projet d’intervention militaire contre l’Iraq. Ce que je viens de dire trace l’alternative : un tel projet ressemble t-il aux visions du Dr Folamour (Strangelove), cher à Kubrick ? Est-il à l’inverse le fruit d’une ruse de la raison, un exercice de grande habileté politique ? Avant d’y consacrer une seconde série d’observations, il faut préciser les cadres d’analyse, et préciser au préalable ce que l’on entendra par raison, raisonnement, rationnel, raisonnable. – Le sommaire de l’AFRI 2003