Avis consultatif CIJ, 8 juillet 1996, Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires

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Préface de l’ouvrage : Marie-Pierre LANFRANCHI, Théodore CHRISTAKIS, La licéité de l’emploi d’armes nucléaires devant la Cour internationale de Justice, Economica, 1997, p. 1 à 7. ——– – Texte intégral L’ouvrage qui est ici présenté au lecteur est de grande qualité. Il propose une étude très approfondie et complète des avis consultatifs rendus le 8 juillet 1996 par la Cour internationale de Justice sur les questions qui lui ont été posées, d’abord par l’Assemblée mondiale de la santé (OMS) puis par l’Assemblée générale des Nations Unies, relativement à la licéité de l’usage des armes nucléaires. On pourrait a priori s’étonner que ces questions n’aient été posées que cinquante ans après l’emploi de ces armes, sans réaction notable du point de vue juridique, et après cinquante ans de non emploi. On pourrait également s’étonner qu’elles soient soulevées dans un contexte de réduction des armes nucléaires, alors qu’elles ne l’ont pas été pendant les décennies de course aux armements nucléaires qui ont constitué le contrepoint de l’affrontement Est-Ouest. C’est donc au moment où la menace nucléaire s’éloigne que l’on réveille le juge international à son propos. On pourrait enfin s’étonner que de telles interrogations proviennent d’organes qui ne sont pas directement compétents en matière de paix et de sécurité internationales, alors que l’organe essentiellement compétent, le Conseil de sécurité, n’a pour sa part rien demandé et n’est pas directement destinataire de l’avis. Cette seule considération indique le contexte hautement politique de l’affaire. Il s’agit à l’évidence d’exercer une pression sur les Etats dotés d’armes nucléaires pour les contraindre à s’en détourner au plus tôt, et cette pression est engagée par les Etats qui n’en sont pas dotés. La demande d’avis est donc conçue comme un élément d’une bataille politique. Au-delà du droit, mais aussi au-delà de l’arme nucléaire, elle vise à mettre en accusation certains Etats, et à les placer au ban de la conscience universelle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le rôle de nombreuses ONG anti nucléaires dans les demandes d’avis, et surtout dans le premier, a été considérable. Si la Cour avait conclu à une condamnation absolue de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, la voie aurait pu être ouverte à une sorte de Mai 68 dans les relations internationales, dont la campagne de Greenpeace contre la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique a constitué, en 1995, une tentative avortée. Tels ne sont cependant pas les centres d’intérêt de l’ouvrage. Il se concentre sur la démarche de la Cour et sur ses conclusions, donc sur une approche judiciaire de la licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, davantage que sur le fond même de la question. Une question préalable devait être résolue : celle de la compétence des organisations ou organes demandeurs pour interroger la Cour en la matière. La Cour écarte la demande de l’OMS, mais retient celle de l’Assemblée générale. On est donc en présence de deux avis, dont un seul traite du fond. Les conclusions de la Cour sont suffisamment complexes pour pouvoir être présentées de multiples façons, mais le résumé qui suit n’est, on l’espère, pas infidèle :
– L’arme nucléaire est singulière, en raison de ses capacités de destruction, mais les conditions de son emploi sont soumises au droit international général, et spécialement aux règles générales du droit international humanitaire. Celui-ci contient des principes « intransgressibles » de protection de la personne humaine ;
– Dans cette mesure, la menace ou l’emploi de l’arme nucléaire sont généralement illicites;
– Toutefois, dans une circonstance extrême de légitime défense où la survie même de l’Etat est en cause, la Cour ne peut conclure que menace ou emploi de telles armes seraient licites ou illicites ;
– Enfin, il existe une obligation de poursuivre et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire. Pour aboutir à ces conclusions, la Cour passe en revue nombre de questions et d’arguments qui ont été présentés par les Etats intervenant devant elle, soit par exposés écrits, soit par exposés oraux : le droit du recours à la force (jus ad bellum) ; le droit de l’environnement, dont elle souligne l’homogénéité et la spécificité ; le droit « de La Haye » et le droit « de Genève », dont elle affirme l’unité en tant que droit humanitaire (jus in bello) ; le droit du désarmement ou de l’arms control, dont elle constate implicitement, à l’inverse, le caractère dispersé et conventionnel. Si au surplus ces conclusions sont ici présentées comme un tout, si même la Cour insiste sur l’unité de son avis et sur la nécessité de le considérer dans son intégralité, sans séparer motivation et dispositif, les différents éléments du dispositif ont été adoptés séparément et avec des majorités sensiblement différentes. Quatre éléments sont votés à l’unanimité, mais l’un, le plus ambiguë, le plus problématique, celui qui précisément ne conclut pas, n’a été voté que gr‰ce à la voix prépondérante du Président, M. Bedjaoui. A cette dispersion des majorités s’ajoute le fait que tous les juges ont émis des opinions séparées, qui une déclaration, qui une opinion individuelle, qui une opinion dissidente. Tout cela, comme la longueur inusitée du délibéré, traduit la profondeur des désaccords, voire des antagonismes que cette question a entrainé au sein de la Cour. Elle a intériorisé et reproduit les profondes divergences que conna”t sur ce plan la société internationale. L’ouvrage suit cette démarche de façon très analytique, très complète et précise, s’appuyant sur les conditions d’adoption et les termes des demandes, sur les différents exposés des Etats, procédant à une véritable dissection des avis, et bien sûr essentiellement de celui qui répond à la demande de l’Assemblée générale. Les auteurs font preuve d’une belle virtuosité intellectuelle, affinée par une connaissance approfondie de la jurisprudence de la Cour, tant contentieuse que consultative, et servie par une belle et heureuse culture classique. Est-ce parce que l’esprit selon Goethe nie tout, ou parce que cette culture classique est généralement désenchantée (quoique consolante) ? La tonalité critique l’emporte cependant dans ce commentaire. Les auteurs sont frustrés devant certaines démarches trop rapides où l’affirmation se substitue à la démonstration – ainsi le recours sans précédent à la notion d’obligations « intransgressibles » qui ne seraient pas du jus cogens, mais alors quoi ? Ils restent perplexes devant l’affirmation suivant laquelle il existe une obligation positive de conclure un désarmement nucléaire, et incertains quant à sa portée ; ou encore face au retour à la théorie des intérêts vitaux des Etats, qui, amalgamée à un cas particulier de légitime défense, conduirait à exclure le droit humanitaire et à placer le salut de l’Etat au-dessus de toute autre règle ; et surtout devant l’absence de conclusion nette à laquelle la Cour se condamne elle-même, et dans la division, sur un point fondamental : en définitive l’avis débouche sur une absence d’avis, et cet inaboutissement est la négation même de la fonction que la Cour prétend assumer. Sur tous ces points on lit les auteurs avec attention et intérêt, et l’on est sensible à leur souci de rigueur juridique. Mais l’on observe aussi que, au-delà de la critique juridique, perce une certaine mélancolie politique : peut-être est-ce la clef de leur inquiétude ? Mélancolie au demeurant sur deux plans : parce que le droit international est ce qu’il est, un droit interétatique qui n’obéit à aucune instance supérieure ni à aucune morale transcendante, quelles que soient les aspirations d’un droit naturel en plein renouveau doctrinal, il est un droit du désenchantement ; parce que les prémices d’une condamnation des armes nucléaires, que la Cour souligne à l’envi, sont trop faibles pour lui permettre de franchir le pas décisif, celui d’une condamnation radicale de leur menace ou de leur emploi en toute circonstance, le droit international apparaît comme inabouti. Ainsi l’emploi des armes nucléaires se trouve-t-il virtuellement justifié. On pourrait aller plus loin encore, et souligner que, puisque cet emploi pourrait correspondre au droit à la survie des Etats, ce droit doit bénéficier à tous les Etats, de telle sorte qu’il en résulterait une reconnaissance virtuelle de la légitimité de la prolifération des armes nucléaires. Les auteurs ne font part qu’avec discrétion de leurs préférences. Ils préfèrent souligner, au-delà de la critique juridique, les conséquences de la décision. Certes, disent-ils en substance, l’avis obéit à une logique de politique judiciaire. Mais, même de ce point de vue, il comporte ses faiblesses : pour ce qui est du prestige de la Cour, l’avis s’autodétruit, par le refus de trancher un point central comme par le nombre et la vigueur opposée des opinions séparées des juges ; pour ce qui est des destinataires, chacun n’a retenu de l’avis que ce qui lui convenait, de sorte qu’il apparaît comme une sorte de passe-murailles juridique, qui en définitive laisse le débat dans l’état où il l’avait trouvé. L’avis serait donc, suivant les cas, inutile ou dangereux. Il confirmerait la maxime de Lauterpacht : « De maximis non curat praetor ». Cette lecture critique, tant sur le plan juridique que sur celui de la politique judiciaire, est indiscutablement possible. Elle est conduite par les auteurs avec cohérence, précision, et modération, c’est à dire avec une grande honnêteté intellectuelle. Elle est largement convaincante – ce qui signifie qu’elle suscite aussi certaines objections. Le lecteur – et le préfacier est un lecteur privilégié, puisqu’il écrit sur l’ouvrage une opinion individuelle publique qui, au surplus, le précède au lieu de le suivre – peut être tenté de prendre la défense de la Cour, et d’estimer qu’en définitive la Cour, confrontée à une question qui n’aurait sans doute pas dû lui être posée, a choisi la moins mauvaise réponse possible. La question n’aurait pas dû lui être posée ? C’est tout à fait clair pour l’OMS, que la Cour renvoie à son domaine de compétence, celui de la santé, sans qu’elle puisse interférer avec des problèmes qui relèvent de la sécurité internationale. C’est également vrai pour l’Assemblée générale, et ceci pour plusieurs raisons : raison institutionnelle d’abord, parce que c’est le Conseil de sécurité et non l’Assemblée qui est essentiellement concerné par ces problèmes, et qu’elle empiète manifestement sur ses compétences. Mais la Cour a toujours mieux protégé les compétences de l’Organisation que leur répartition interne entre ses organes. Raison juridique ensuite, parce que l’Assemblée, dans de nombreuses résolutions, avait affirmé, certes à une faible majorité, l’illicéité de la menace ou de l’emploi des armes : n’est-il pas contradictoire, voire un peu ridicule pour cette majorité, de mettre en cause elle-même ses propres affirmations ou prétentions ? Ne réduit-elle pas à néant du même coup toutes ses résolutions antérieures ? Ne pourrait-on lui opposer une sorte d’estoppel ? Raison politique enfin, puisque la question ne visait nullement à éclairer l’Assemblée sur le droit mais à exercer une pression sur les Etats dotés d’armes nucléaires dans le contexte de négociations auxquelles l’Assemblée est étrangère. L’avis rendu n’a ainsi nulle conséquence sur son activité ou sur l’exercice de ses compétences. Il était cependant difficile à la Cour ne pas répondre à l’Assemblée générale, même si juridiquement c’eût été à notre sens la décision la plus satisfaisante – et si c’est indirectement celle à laquelle la Cour parvient. Elle aurait certes pu estimer qu’il n’était pas opportun pour elle de s’exprimer sur le sujet, et l’opinion dissidente du juge Oda est très convaincante à cet égard. Mais elle risquait de se nuire à elle-même en refusant d’examiner les arguments sur le fond, en donnant une impression radicale de non pertinence du droit sur la matière, et en décourageant l’Assemblée générale de demander à l’avenir d’autres avis consultatifs. Elle nuisait à l’Assemblée générale en lui reprochant un excès de pouvoir, même implicite. Elle pouvait enfin être sensible au fait qu’il pouvait être utile pour de nombreux Etats de mettre à profit cette demande d’avis, pour discuter, préciser, ordonner, actualiser, clarifier, affirmer leur position juridique en la matière. Certes raisonner ainsi revient à considérer que l’on était en réalité en présence d’un contentieux entre Etats, ce que confirme le nombre et le style des exposés écrits et oraux devant la Cour. Mais ce détournement réel de procédure est sans incidence juridique, puisque l’avis n’est pas revêtu de l’autorité de chose jugée. Il est au surplus compensé par la prudence qu’il impose à la Cour sur le fond puisqu’elle sait qu’elle sera à son tour jugée par les Etats et non par l’organe demandeur – et ceci explique que l’avis soit en fait très transactionnel, parce qu’il tient le plus grand compte des positions exprimées devant elle par les Etats. De ce point de vue, la France a des raisons de ne pas être trop mécontente de cet avis. Son argumentation reposait sur la licéité de la dissuasion, doctrine de non emploi et système de maintien de la paix, entièrement fondée sur la légitime défense d’intérêts vitaux. Elle se situait à cet égard sur un plan un peu différent de celui de l’argumentation anglo-américaine, davantage tournée vers une banalisation de l’arme nucléaire dès lors que son emploi répondrait à des nécessités militaires. La Cour para”t à cet égard plus proche de la thèse française, puisque le doute n’existe pour elle qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Sur le fond, les arguments qui peuvent justifier la position de la Cour se pressent également. Il n’est pas de notre propos, bien évidemment, de reprendre les différents points en débat, même si l’on ne peut se contenter de cette observation de bon sens : l’emploi des armes nucléaires ne saurait être que tout à fait exceptionnel, mais, dès lors qu’elles existent, il ne peut être totalement exclu. Pour en rester à l’esprit général de l’avis, la Cour pouvait elle conclure différemment ? Elle est confrontée à un droit dont l’essence est la contradiction. La contradiction est en effet au cœur même du droit des armes nucléaires ; il est d’un côté tourné vers leur condamnation et leur élimination, tandis que de l’autre il les légitime en les régularisant. Le Traité sur la non prolifération en est un parfait exemple. Manifeste dans le droit conventionnel, cette contradiction intime se retrouve à propos de l’application du droit international général aux armes nucléaires – puisqu’il est entendu qu’il n’y a pas de droit coutumier qui leur soit propre. Comment s’étonner dès lors que la Cour constate, de façon déclaratoire et statique, cette contradiction qu’elle ne saurait résorber sans sortir de son rôle ? On doit souligner à ce propos que la Cour ne dit pas que le droit humanitaire ne s’applique pas en cas de circonstance extrême de légitime défense, mais qu’elle n’a pas les éléments qui lui permettraient de trancher, ce qui n’est pas la même chose. Pour les éléments de fait, on observera que le droit humanitaire ne prohibe l’emploi des armes qu’en fonction de leurs effets, et non de leur nature. Il n’est dès lors pas étonnant que la Cour ne puisse évaluer toutes les hypothèses et toutes les conséquences de l’emploi des armes nucléaires. Pour les éléments de droit, il y a là un conflit de normes virtuel entre légitime défense et droit humanitaire. Ce conflit doit se résoudre par une préférence relative plutôt que par l’élimination de l’une par l’autre, l’adaptation ne pouvant relever que de l’appréciation initiale des Etats et du Conseil de sécurité – ni de l’Assemblée générale, ni de la Cour elle-même. Ne pas conclure de façon définitive ne signifie donc pas que la Cour renonce à exercer ses compétences mais qu’elle reste bien dans le cadre exclusif de la question posée. La Cour cherche cependant à dépasser cette contradiction déclaratoire en se situant sur un plan dynamique, celui de l’évolution des règles, qui demande une action, en appelant à la conclusion d’un traité de désarmement nucléaire. On est tenté d’y voir, outre un obiter dictum, la création ex nihilo d’une obligation coutumière, qui s’appuie sur l’article VI du TNP mais échoue à y trouver un fondement véritable. On voit mal en quoi le TNP, vigoureusement contesté par les Etats non parties, dont certains sont en réalité dotés d’armes nucléaires, pourrait avoir conquis un caractère coutumier. Au surplus, l’article VI ne contient qu’une obligation de négocier, et associe étroitement désarmement nucléaire et désarmement général et complet. Peut-on y voir une norme coutumière imposant l’obligation de conclure un désarmement dans le seul domaine nucléaire ? Il faudrait invoquer les tables tournantes « Si tu es norme coutumière, frappe un coup, si tu es jus cogens, frappe deux coups » : elles ne sont que l’écho de celui qui les interroge, et parlent comme lui – en vers pour Victor Hugo, en langage judiciaire pour la Cour. Seule une Cour suprême peut fonctionner ainsi et on sait qu’elle ne s’en font pas faute. Mais la Cour internationale n’est pas une Cour suprême, même si la doctrine est souvent tentée de sacraliser ses dicta. Reconnaître le caractère coutumier erga omnes d’une obligation de mener à terme un désarmement nucléaire serait une conclusion d’autant plus surprenante que cette affirmation est l’une de celles, et la seule contestable, qui fasse l’objet d’une unanimité au sein de la Cour. Fort heureusement pour l’autorité de la Cour et pour sa rigueur juridique, ce n’est pas le cas. Il est vrai qu’en ce domaine comme en d’autres, la Cour a tendance à procéder à une sorte d’irradiation normative, enrichissant voire déformant des normes obligatoires en les situant dans un contexte à la fois plus exigeant par son contenu et plus flou dans son autorité, le faible soutenant paradoxalement le fort. Mais en l’occurrence elle ne parle pas de norme coutumière, ni de règle de droit international général. Elle évoque simplement un objectif vital pour l’ensemble de la communauté internationale, et une obligation de conclure – mais sans dire sur quels Etats pèse cette obligation, ni surtout sans lui assigner aucune condition de délai. Dans ces conditions, il s’agit d’une obligation de comportement et non de résultat, qui permet à la Cour de terminer sur une note à la fois positive et dynamique. Mais ce faisant elle renvoie le problème à d’autres qu’elle même, et indirectement aux Etats concernés. Ainsi, de façon discrète mais certaine, la Cour envoie deux messages, qui en définitive ont pour objet sa propre protection : le premier à l’Assemblée générale dont la demande sans doute mal conçue ne pouvait recevoir qu’une réponse partielle ; le second aux Etats dont la responsabilité, au double sens de pouvoir et de charge, est réaffirmée. La meilleure Cour du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Ne la chargeons pas des contradictions du droit international et surtout ne lui demandons pas de les surmonter. Au fond la Cour vogue dans le droit international comme le canard dans l’eau du lac : elle suit son chemin, reste à la surface et le traverse sans être mouillée. Deux points enfin que l’on ne peut qu’effleurer : on ne voit rien dans l’avis qui démente l’arrêt du Lotus, c’est à dire le principe de la liberté des Etats en l’absence de règles prohibitives du droit international. C’est bien la démarche qu’elle suit en pratique, même si le libellé de la question – est-il licite de recourir à la menace ou à l’usage.. – la conduit à rechercher également un fondement positif à ce recours éventuel. Le Lotus flotte donc, lui aussi, toujours. En second lieu, la notion d’obligation « intransgressible » est certes une nouveauté, mais la réalité qu’elle recouvre était d’ores et déjà incluse dans la puissance virtuelle des règles coutumières et conventionnelles : elles contiennent des engagements de contenu et d’autorité différents ; à la hiérarchie des règles par catégories il convient de substituer une hiérarchie analytique des obligations en fonction de leur contenu spécifique. Ce ne sont là que quelques observations suscitées par un ouvrage toujours stimulant, d’une grande richesse et d’une grande qualité d’analyse juridique. C’est un plaisir de présenter au lecteur une telle étude, de première main, avec les jugements personnels et originaux qu’elle contient. Elle est une contribution importante à un débat qui, comme le soulignent justement les auteurs, est loin d’être clos.