La récente arrestation en Haïti d’une dizaine d’américains n’est pas sans rappeler l’affaire de l’Arche de Zoé. Ces deux affaires témoignent non seulement des ambiguïtés qui entourent le terme d’ONG mais aussi d’une tentation potentiellement dangereuse qui habite de nombreuses organisations non gouvernementales.
L’affaire de l’Arche de Zoé débute en 2007 lorsque les autorités tchadiennes arrêtent les membres de l’organisation tandis qu’ils tentent d’embarquer en toute illégalité plus d’une centaine d’enfants dans un avion en partance pour l’Europe. L’arrestation d’une dizaine de membres de l’organisation baptiste, Le refuge pour une nouvelle vie des enfants, présente de nombreuses analogies puisqu’ils ont eux aussi été arrêtés par les autorités tandis qu’ils tentaient de quitter le pays en emmenant avec eux une trentaine d’enfants, sans les autorisations nécessaires. Dans un cas comme dans l’autre, les responsables de ces organisations ont mis en avant leur intention de faciliter l’adoption d’enfants abandonnés. Dans les deux cas, les autorités ont au contraire suspecté un trafic d’enfants.
Ces deux affaires fournissent un éclairage sur la situation dans laquelle se trouvent ces territoires où l’impuissance des Etats est manifeste. Leur défaillance permet en effet à n’importe quelle organisation ou n’importe quel individu, sous couvert de se présenter comme membre d’une ONG, de se livrer au trafic d’enfants à des fins de prostitution ou de commerce d’organes. Les autorités tchadiennes et haïtiennes en sont conscientes, c’est ce qui explique leur suspicion dans ces deux affaires.
Quoi qu’il en soit c’est le problème de la définition des ONG et de leur contrôle qui se trouve posé. Leur statut varie d’un Etat à l’autre et si les ONG sont faciles à créer (quels que soient les objectifs réels qui leur sont assignés), il est en revanche d’autant plus difficile de les contrôler qu’elles agissent à l’étranger et peuvent, comme l’Arche de Zoé devenue Children Rescue, changer de nom. De plus, les tentatives visant à les contrôler ont parfois servi à certains Etats de prétexte pour affaiblir une organisation trop critique. C’est donc avec prudence que ce problème doit être abordé.
Ces deux affaires témoignent, en outre, d’une tentation commune à une majorité d’organisations prêtes à considérer que la fin justifie les moyens, autrement dit que la noblesse de leur objectif, en l’occurrence confier des enfants isolés à des familles françaises ou à des baptistes américains autorise certains excès comme de ne pas se plier aux procédures légales perçues comme autant de tentatives d’entraver leur action, parfois simplement pour bénéficier d’un « Bakchich » (ce qui est parfois vrai encore que les ONG n’échappent pas elles-mêmes à la corruption). Surtout, cette primauté de la fin sur les moyens les a conduit à considérer comme abandonnés ou orphelins des enfants qui ne l’étaient pas, c’est dire le danger que peut constituer cette tentation pour les humanitaires.