Ce faisant, le président Chirac construisait une opposition entre une politique de sanctions dont le but serait de contraindre l’Irak et une politique visant à convaincre l’Irak de modifier son comportement par les voies traditionnelles de la diplomatie. Cette opposition se redoublait même selon lui d’un antagonisme entre deux « conceptions » de l’action diplomatique : la conception anglo-saxonne autoriserait la contrainte, notamment par le biais des sanctions, alors que la conception française proprement française ne permettrait pas ce type d’actions. Cette opposition allait de facto s’avérer structurante et former une réelle ligne de faille entre les diplomaties britannique et américaine d’un côté et la diplomatie française de l’autre. En 1997, la logique des sanctions est en tout état de cause synonyme de contrainte et de coercition pour le président Chirac. Or les restrictions au commerce n’ont pas toujours recouvert une telle signification. En réalité, elles ont connu diverses modifications au cours de leur histoire. Derrière des concepts couramment utilisés dans la littérature scientifique et dans les médias se cachent donc des réalités complexes et mouvantes.
Surveiller ou punir. Embargos et sanctions à l’encontre de l’Irak de 1980 à 1998.
Cahier Thucydide n° 18
« Je n’ai jamais vraiment observé que la politique de sanctions ait eu des effets positifs. En règle générale, les sanctions ne font que renforcer les autorités gouvernementales dans leur opposition à l’extérieur, et ceux qui souffrent des sanctions, ce sont toujours les malheureux, les petits, les pauvres, les enfants, les personnes âgées, ceux qui n’ont plus de lait, ceux qui n’ont plus de médicaments, ceux qui n’ont plus à manger. » C’est en ces termes que le président français Jacques Chirac avait clarifié, à l’occasion d’un voyage d’Etat au Vietnam en novembre 1997, sa position sur la question des sanctions à l’encontre de l’Irak. Il ajoutait deux jours plus tard lors d’une conférence de presse ces mots qui résument l’attitude française à l’égard de « l’affaire irakienne » : « nous voulons, nous, convaincre et non pas contraindre. »