Thucyblog n°284 – Femmes d’Europe, femmes de France (2/2)

Crédits : Mobilus in Mobili

Partager sur :

Lire le début (1/2) : Editer « Thucyblog n°283 – Femmes d’Europe, femmes de France (1/2) » ‹ Centre Thucydide — WordPress (afri-ct.org)

Par Françoise Thibaut, le 27 avril 2023
(les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur)

3° Enfin, troisième particularité du sort de l’Européenne : la longue vie autorisée après la possibilité d’enfanter : vu les risques des enfantements et la pauvreté de la médecine, cette possibilité était souvent illusoire ; l’âge moyen de décès des femmes au début du 18ème siècle, est aux alentours de 35 ans, quelle que soit la catégorie sociale : d’un côté la pauvreté et l’ignorance, de l’autre l’obligation de procréer. Mais si elle passe l’obstacle, la veuve, la femme âgée sont autorisées à vivre, à continuer à avoir un rôle social, encouragé d’ailleurs par l’organisation collective – la pratique des marraines qui suppléent les mères décédées. Beaucoup de sociétés de par le monde, notamment en Asie, chez les Indiens d’Amérique, ont eu tendance à se débarrasser des « vieilles » femmes, les envoyant mourir dans les forêts ou les trucidant carrément – bouche inutile à nourrir, décrépitude physique insupportable.

La femme âgée est un phénomène récent, par exemple au Japon, actuellement submergé par des petites vieilles très pimpantes qui jouissent de la retraite de leur époux décédé par « burn-out » ou karochi au travail…Depuis fort longtemps, l’Européenne a bénéficié d’une protection juridique dans son grand âge, l’obligation sacrée pour les familles de l’assister et de la considérer, reprise par le Code civil et la Sécurité sociale. Ces Européennes âgées ont largement contribué à la construction d’une mentalité d’affranchissement du joug masculin, par leurs écrits, leurs discours, leur expérience. Une fois de plus, le monde ouvrier du 19ème siècle modifiera cette image, faisant de l’ouvrière âgée une exception. Il faudra attendre la Première Guerre Mondiale et ses immenses conséquences sociales pour que les femmes seules, suppléant les hommes, ayant coupé cheveux et jupes, élevant des orphelins, prennent une place conséquente dans le monde du travail.

Un modèle au défi

Voilà ce qui donne à l’Européenne une place si particulière dans l’histoire des femmes et dans leur émancipation. Elles sont presque toujours un modèle, et juridiquement on peut s’extasier sur le fait qu’elles aient beaucoup d’avance sur les Africaines, les Indiennes, voire les Chinoises, qui malgré tant de communisme restent très esclavagées.  Par ailleurs, on peut observer que la récente génération de jeunes femmes “très en colères”, souvent wokistes ou apparentées à des mouvements de contestations nord-américains – qui n’ont rien à voir avec nos sociétés européennes – n’apporte que violence et confusion négative aux volontés d’égalisation des conditions. La laideur, la vulgarité, la grossièreté, n’ont jamais rien apporté aux femmes, que rejet et mise à l’écart.

Deux évolutions récentes, très rapides, modifient l’image avantageuse des Européennes.

D’une part l’absorption, notamment dans l’Union européenne, de populations dites “immigrées” et de familles issues de milieux non-européens, ultra conservateurs ou intégristes, où filles, jeunes filles, épouses sont toujours “soumises” à des codes d’enfermement, d’interdits, de non-identité et non autonomie. Cette imprégnation s’inscrit dans une rétrogradation de la population féminine dans certains quartiers, voire certaines villes. Ces habitudes socio-familiales très enracinées paraissent quasi normales à celles qui les vivent.

En second lieu, de nouvelles techniques de procréation, de manipulations scientifiques, permettent d’imaginer pouvoir se passer de père et de mère.  Comme dans les romans ou séries de science-fiction. Le parent “biologique “ récemment apparu remet en cause la stabilité des origines, ouvre de nouvelles perspectives dans lesquelles la femme en tant que génitrice est contournable, donc non indispensable.

Ces deux nouveautés se déploient dans un désordre juridique criant car le droit occidental n’est pas “armé” pour affronter des différences sociétales massives aussi aliénantes et brutales. Par ailleurs les prouesses scientifiques restent difficiles à intégrer dans le corpus juridique.

Ces mouvements déstabilisent les acquis féminins si chèrement conquis, et rétrogradent la “totalité” de la gent féminine dans la course à l’égalisation des situations. Un point reste toutefois essentiel et souvent méconnu : l’actuelle population mondiale compte numériquement bien plus de femmes que d’hommes ; elles vivent plus longtemps et en bien meilleure forme que ces messieurs !

Les inégalités sont encore criantes, plus ou moins pénalisantes selon le lieu géographique, le milieu culturel, le mode de vie : même dans un contexte dit “évolué”, une femme doit toujours être « meilleure » qu’un homme pour être reconnue, respectée. Qu’il s’agisse des élites sociales, intellectuelles, politiques, économiques, les femmes sont encore conçues comme une minorité revancharde et agaçante.

Joachim du Bellay magnifiait le teint de rose des jeunes femmes, pleurait leur vieillesse précoce et leur vie fragile, mais il était en extase devant cette fragilité et le bonheur que procure la gent féminine…Souhaitons que les hommes de notre temps se souviennent toujours de l’éblouissement bienfaisant de l’amour des femmes…