Les relations stratégiques de la Grande-Bretagne vont changer dans leur ensemble au cours de la prochaine décennie, l’année 2015 s’approchant autant que possible d’un an zéro de la défense et de la stratégie. Pour la première fois depuis une génération au moins, les Britanniques devront mener sur leurs objectifs stratégiques une réflexion libre, profonde et tournée vers l’avenir. La stratégie nationale de sécurité de 2010 définissait le concept opératoire et stratégique futur de la Grande-Bretagne d’après trois analyses imbriquées : 1) la puissance mondiale encore imprévisible deviendrait à l’avenir essentiellement multipolaire, avec deux acteurs étatiques prédominants, mais non dominants, les Etats-Unis et la Chine ; 2) aucun Etat ne pouvait faire face à toutes ses obligations de sécurité seul ; 3) étant donné la nature des menaces, l’objectif était d’y faire face tôt et de les tenir à distance. La Grande-Bretagne est confrontée à ce défi spécifique : comment un « producteur » relativement petit mais puissant, économe sur ses dépenses militaires, peut-il remplir ses obligations de sécurité et de défense dans un « marché » très vaste et instable, dont la caractéristique est et restera ses frictions et turbulences avec le principal signe distinctif de l’époque, l’hyper-concurrence pour les biens communs du monde. Cela souligne le défi essentiel – et la contradiction inhérente – de la stratégie de sécurité britannique, ainsi que la nécessité de travailler encore plus étroitement avec des alliés et des partenaires dont les points de vue et ambitions stratégiques diffèrent profondément des siens. La stratégie de défense britannique est particulièrement vulnérable à de telles frictions. Avec le « pivotage » des Etats-Unis vers l’Asie-Pacifique, Washington accordera probablement plus d’importance à des partenaires capables qu’à des alliés incapables. La logique voudrait que si la Grande-Bretagne devait choisir, elle préférerait rester proche des Etats-Unis plutôt que d’une Europe qu’elle ne peut suivre étant donné son élan vers l’union politique nécessaire pour sauver l’euro. Si un nouveau traité de l’UE devait émerger au lendemain des élections fédérales de septembre 2013 en Allemagne, la Grande-Bretagne pourrait procéder à un référendum « stop ou encore », probablement en 2015 ou en 2016. Ainsi, l’objectif spécifique de l’étude stratégique de 2010 sur la défense et la sécurité était de mettre la Grande-Bretagne sur la voie d’un avenir durable pour sa défense, avec pour cible une force future flexible et adaptable à l’horizon 2020, bien qu’en réalité il s’agirait plutôt de l’horizon 2025, voire 2030, avant que la vision stratégique et de défense implicite dans cette étude se concrétise. A moins que l’étude stratégique de défense et de sécurité de 2015 n’affirme clairement que la Grande-Bretagne conservera des forces armées d’une envergure mondiale, tous les autres domaines de l’influence stratégique britannique commenceront à s’atrophier.