En matière de maîtrise des armements et de désarmement, le bilan de l’année 2004 est quelque peu mitigé : 2004 s’est situé dans la continuité de 2003, sans réelles avancées, tandis que le régime de non-prolifération nucléaire connaît des revers inquiétants et que la prolifération balistique ne se ralentit en aucune manière. L’arms control cherche encore sa voie, après la fin d’un multilatéralisme à vocation universaliste et producteur de normes qui avait permis quelques succès marquants dans l’après-Guerre froide. La Conférence du désarmement continue d’être paralysée par la règle intangible d’un consensus aujourd’hui introuvable et travaille depuis sept ans sans succès à la recherche d’un programme de travail qui recueillerait l’accord des soixante-cinq Etats membres; l’intéressante proposition, soutenue par la France, d’ouvrir des débats sur les «nouveaux sujets», liés notamment à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et aux enjeux que pose le terrorisme transnational dans ce contexte, n’a pas porté les fruits qu’on pouvait en espérer. Peut-être faut-il garder à l’esprit que l’évolution des postures diplomatiques et la dynamique des accords multilatéraux s’établissent sur des temps longs… Il reste que le temps n’est plus, pour l’instant en tout cas, à la signature de nouveaux accords bilatéraux ou multilatéraux formels assortis d’un régime de vérification volontariste, mais à des accords politiques juridiquement très peu contraignants, comme l’est en particulier le Traité SORT de réduction des armements nucléaires stratégiques, signé en mai 2002 par Washington et Moscou. On peut à cet égard relever l’annonce faite par le DOE en juin dernier d’une réduction de 50%, dans les huit ans à venir, de l’arsenal stratégique américain «opérationnellement déployé», sans autres précisions, et observer que cet objectif est d’ores et déjà en retrait par rapport à l’objectif de SORT. Dans le même temps, la Russie poursuit la modernisation de son arsenal : essai en décembre d’un missile «lourd» SS18 modernisé, ce même missile considéré comme déstabilisant durant la Guerre froide et dont l’élimination était une obsession pour les négociateurs américains des Traités START; développement du missile Bulava, variante navale du Topol MSS27 destinée aux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. C’est d’ailleurs probablement en se référant à ce missile que le Président Poutine a annoncé avec quelque éclat aux états-majors russes en novembre que la Russie allait disposer, sur certains systèmes stratégiques, de nouvelles technologies que les autres puissances nucléaires n’avaient pas. Dans le contexte du nouvel arms control «allégé», on peut également noter la proposition américaine, faite en juillet dernier à la Conférence du désarmement, de négocier une Convention d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires (Cut-Off) sans régime de vérification, au motif qu’un tel régime poserait des problèmes de sécurité nationale pour un certain nombre de pays-clefs. L’idée de séparer la négociation d’un Cut-Off de celle de son régime de vérification peut certes mériter débat, mais l’absence d’un tel régime ne pourrait qu’avoir des effets négatifs sur la portée du traité et sur sa valeur en termes de non-prolifération et de désarmement nucléaires. La Conférence quinquennale d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire sera l’un des événements majeurs de l’année 2005. Le dernier des comités préparatoires, tenu en 2004, n’a pas réussi à se mettre d’accord sur un certain nombre de questions de substance, ni sur l’agenda de la conférence. L’issue de celle-ci est à l’évidence incertaine, dans un contexte de multiplication des échecs du régime global : non-détection de la prolifération libyenne, ni du réseau A. Q. Khan, qui a pu disséminer en toute impunité des connaissances et des technologies nucléaires militaires, ni des activités nucléaires clandestines de l’Iran. L’article consacré à l’Iran et à ses ambitions nucléaires dans la présente rubrique offre une vision claire et fort bien articulée des développements de la crise au cours des deux dernières années. Malgré les succès (temporaires) de la troïka européenne et dans le contexte d’un refus de Washington de s’engager à ses côtés, d’autres rebondissements sont à prévoir et le régime global de non-prolifération nucléaire joue ici sa légitimité et sa crédibilité, donc rien moins que son avenir. La question nucléaire israélienne fait elle aussi l’objet d’une analyse dans ce volume. Ce pays continue de bénéficier de sa stratégie historique d’ambiguïté au regard de l’arme nucléaire et, dans le contexte de conflit et de rivalités qui continue de prévaloir au Moyen-Orient, ce problème ne semble pas être à la veille de sa résolution. Toutefois, un certain nombre de mesures de confiance de la part de Tel-Aviv pourrait contribuer à améliorer le contexte de sécurité et de non-prolifération dans la région. Sur un registre différent et dans une vision traditionnelle de l’arms control, le difficile sujet des armes non létales fait l’objet d’une présentation, où les concepts et les éléments de problématique juridique sont abordés d’une manière particulièrement éclairante, dans un domaine complexe qui connaît depuis plus d’une décennie de multiples développements. – Le sommaire de l’AFRI 2005