Introduction. L’information sous dominance du global au local ? Mutations en cours

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DES MUTATIONS DANS L’ACTUALITE

Une nouvelle mode de communication et d’échanges d’information se développe à l’échelle mondiale via l’Internet, par la création de groupes de sites qu’on dénomme couramment « réseaux sociaux ». Les exemples les plus connus se nomment Facebook, MySpace ou LinkedIn et contribuent à ce qu’on nomme la « communication participative » sans qu’on soit toujours au clair sur ses buts et finalités.

Différente, mais dans la même logique de « l’information pour tous », est l’apport des investigations réalisées par le réseau Wikileaks mis en place par l’Australien Julian Assange en 2006. En 2010, son réseau d’enquêteurs bénévoles, dont des journalistes et des informaticiens, a permis de révéler crimes et scandales, en particulier à partir de documents quasi secrets mettant en cause l’armée des Etats-Unis dans ses interventions en Iraq et en Afghanistan. Fin novembre, il rend public plus de 250 000 télégrammes du Département d’Etat. Le fondateur du site entre ainsi au cœur de l’actualité internationale. Ces données exceptionnelles sont reprises en primeur par des journaux de renom (The Gardian, Le Monde, The New York Times, El Pais et Der Spiegel). Un débat s’est alors ouvert sur les limites des possibilités offertes par l’Internet, mais aussi sur celles des secrets d’Etat dans les démocraties soucieuses de la défense des droits de l’homme.

L’ECONOMIE DANS L’INFORMATION

Une telle extension de nouveaux usages communicationnels, permise par les technologies, se fonde aussi sur les expériences et logiques de développement de sociétés plus expérimentées, à l’instar de Google. Toutefois, en 2010, la Commission de l’Union européenne a engagé une enquête à son encontre pour « abus de position dominante » suite à plusieurs plaintes, dont certaines émanant d’Etats. Elle l’avait déjà fait dans le passé pour les sociétés Microsoft, Intel ou IBM, qui ont été condamnées à ce sujet. Si les « réseaux sociaux » émergeants font rêver à une évolution des systèmes démocratiques, ils ne sont pas les seuls sur un marché connaissant de fortes mutations. Les acteurs de l’économie de l’information et de la communication sont très présents et se répandent à l’échelle planétaire dans le cadre de la globalization, versus économie de la mondialisation en cours ou projetée. Principe de réalité oblige. Et les questions soulevées ne sont pas nouvelles.

La « société de l’information » s’inscrit donc aussi dans la perspective économico- commerciale décrite par la formule de Philip Kotler [[Cf. « Global standardization. Courting danger », Journal of Consumer Marketing, vol. III, n° 2, 1986. La formule de Kotler relevait de la polémique avec Levitt sur la « mondialisation » (cf. la note suivante).]] : « think global, act local ». Par sa dynamique propre, elle avait ouvert la voie aux stratégies mixtes visant la segmentation « locale » des marchés mondiaux et l’approche holistique désignée par le mot « global », dont le sens originel se traduit par « mondial », mais aussi par « total » au sens du « Tout ». Ainsi, dans le domaine économique de la communication, comme dans toute l’économie post- industrielle, le « marketing global » – formulé par Theodor Levitt en 1983 – trouve sa place dans les stratégies d’expansion des entreprises [[Theodor L EVITT , « The globalization of markets », Harvard Business Review, mai-juin 1983.]] . Surtout et a priori, quand le contexte politique ne représente plus un obstacle.

DEBATS ANCIENS ET ACTUELS

Un regard sur trois Etats du Sud-Caucase

Cela fut le cas des Etats ayant relevé du bloc de l’Est. D’où l’intérêt du regard porté par Laura Kutubidze, Gilles Rouet et Marine Vekua sur « les médias post-soviétiques du Sud-Caucase : entre contrôle d’Etat, service public et enjeux commerciaux ». L’évolution constatée en Arménie, en Géorgie et en Azerbaïdjan n’est pas originale dans l’histoire des médias en soi, y compris en Occident. Cela étant, elle traduit bien des aspects des problèmes liés à leurs rôles et fonctions, y compris avec les nouvelles technologies en vogue. A fortiori dans le contexte international de la mondialisation/globalisation.

L’actualité du NOMIC

Considérer le monde comme un grand marché signifie-t-il la fin des différences et spécificités des populations liées à des territoires ? Ce genre d’interrogation nous rappelle une période du passé. Celle du contexte du premier débat international sur « un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication plus juste et plus efficace » ou NOMIC. Une commission de l’Unesco, présidée par Sean MacBride, a été invitée à travailler sur le sujet pendant quatre années. Son rapport, intitulé « Voix multiples, un seul monde », a donné lieu à polémiques après sa remise officielle en 1980. Trente ans après, son anniversaire est l’occasion de montrer « l’actualité du NOMIC ou la récurrence d’un débat international discret ». Surtout quand il est relié à celui d’alors sur le Nouvel ordre économique international ou NOEI !

La réalité des acteurs dominants du marché de l’information

Et trente ans après, le lien avec l’ordre économique international n’est plus à démontrer, alors qu’il faisait l’objet de débats sur le registre des libertés fondamentales. Or, réalisme oblige. C’est bien le sens de la contribution de Fabrice Lequeux et d’Yves Thépaut sur les firmes dominantes dans le secteur des industries culturelles, dont celles liées à l’information et la communication. Si l’emprise des agences internationales de presse avait été visée dans le cadre précédemment cité, on a vu se renforcer d’anciens acteurs du domaine et émerger de nouvelles entreprises qui ont aussi posé des problèmes. Les deux auteurs pointent notamment l’ampleur de leur omniprésence à l’international que des pays émergents tentent de contenir quand ils ne les contestent plus.

Un bilan de la « nouvelle gouvernance mondiale » projetée par le SMSI

Puis, dans cette continuité, nous revenons sur la question de la « fracture numérique », objet essentiel de la démarche des Nations Unies avec le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) après ses deux étapes (Genève, 2003, et Tunis, 2005). Jean-Louis Fullsack présente un bilan intermédiaire de la démarche, dont l’échéance a été fixée en 2015, dans l’Agenda de Tunis, pour une évaluation par l’Assemblée générale des Nations Unies. La question économique est à nouveau posée par rapport aux objectifs, en lien avec l’action des agents économiques eux-mêmes et les modalités du financement des projets et programmes au profit des pays en voie de développement, notamment en Afrique. Une telle récurrence vient « à point » avec le concept de « nouvelle gouvernance mondiale » sur le mode du partenariat multiple que le SMSI est censé préfigurer.

L’AVENIR COMMUNICATIONNEL TOUJOURS EN DEBAT

Dans un environnement mondialisé, le sens de l’information publique, via les médias historiques ou classiques et les offres récentes liées aux TIC, va-t-il changer en profondeur les comportements politiques et sociaux ? Le dialogue avec tous les « citoyens » sera-t-il effectivement encouragé et les décideurs politiques en tiendront–ils compte ? La transparence comme idéal est-elle aussi celle des acteurs économiques ? Le réalisme de la compétition économique en marque déjà bien des limites ! Si l’observation des pratiques sociales, économiques et politiques conduit à de la prudence dans les réponses à ce type de questions, elle ne peut qu’encourager les débats.

Du local au global !