La France dans la construction européenne – Introduction (2003)

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Après plusieurs années au cours desquelles la France a dû assumer des responsabilités particulières ou opérer des choix importants dans la construction européenne, l’année 2002 a paru s’inscrire dans une phase intermédiaire de réflexion sur l’Europe. Au terme de l’année écoulée, il apparaît que l’activité européenne des autorités françaises a été à la fois intense et diversifiée, les responsables politiques français ayant pris une part importante dans des décisions intéressant les secteurs sensibles de la construction européenne. Diversité des acteurs tout d’abord. Moment fort de l’année politique, les élections présidentielles ont été suivies des élections législatives et de la nomination d’un gouvernement chargé de mener la politique souhaitée par le Président de la République. Après cinq années de cohabitation au cours desquelles le partage des responsabilités du chef de l’Etat et du chef du gouvernement avait pu conduire à freiner ou à contrarier certaines initiatives françaises, la politique européenne de la France paraît retrouver une certaine unité et susciter ainsi des réactions plus claires de la part de ceux qui n’exercent plus le pouvoir. Importance et diversité des sujets abordés ensuite. Les débats politiques ont porté sur des sujets aussi variés que le projet de Constitution européenne, l’élargissement, la réforme de la Politique Agricole Commune et le pacte de stabilité. Les deux thèmes principaux de la construction européenne méritent d’être rappelés. La Convention sur l’avenir de l’Europe avait été chargée, par le Conseil européen réuni à Laeken les 14 et 15 décembre 2001, d’explorer la voie vers une Constitution pour les citoyens européens sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing et de faciliter ainsi la tâche de la prochaine conférence intergouvernementale. Ouverte le 28 février 2002 à Bruxelles, la Convention, réunissant 105 membres, a procédé aux débats, conformément aux voeux de son président, suivant trois phases : l’écoute, la synthèse et la formulation des propositions. Compte tenu des échéances électorales nationales, les principaux responsables politiques français ne sont pas intervenus directement dans le cours des débats et, d’une manière générale, ont fait preuve d’une grande discrétion (cf. l’article d’Hélène Gaudin «[ Les élections présidentielles et l’Europe->478] »). C’est après les vacances d’été que les principaux hommes politiques français se sont exprimés à ce sujet, prenant appui sur les textes de différentes sources qui ont été diffusés : un modèle a été présenté par Robert Badinter, le 27 septembre 2002, qui a pris la forme d’un livre intitulé Une Constitution européenne. Un mois après, Valéry Giscard d’Estaing a présenté, lors de la session plénière de la Convention du 28 octobre 2002, un avant-projet de traité constitutionnel. A la différence du texte publié par Robert Badinter, qui consiste en une Constitution rédigée intégralement, l’avant-projet présenté par le président Giscard d’Estaing consiste à esquisser l’architecture du futur traité constitutionnel, sous la forme de têtes de chapitres et d’intitulés d’articles, les Conventionnels étant chargés de la rédaction dans un esprit d’échange et de coopération. Ainsi, lors d’une séance de l’Assemblée nationale du 3 décembre dernier, les parlementaires français ont été invités par le président de la Convention à contribuer à l’élaboration de la future Constitution afin qu’elle soit « imprégnée de la clarté et de la logique de l’esprit français » (cf. l’article de Florence Deloche-Gaudez « La présidence de la Convention sur l’avenir de l’Europe »). La question de l’élargissement a fait l’objet d’âpres discussions au cours de l’année 2002. Examiné lors du Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre, le dossier du financement de l’élargissement a pu être traité par les Quinze après qu’un compromis fut conclu entre la France et l’Allemagne. L’adhésion de dix nouveaux Etats a ensuite été décidée par le Conseil européen de Copenhague du 13 décembre afin de rendre effective l’entrée de ces Etats le 1er mai 2004, c’est-à-dire avant les élections des représentants du Parlement européen. La Turquie a obtenu un engagement d’examen de sa candidature au regard des critères européens en décembre 2004, dans la perspective de négociations d’adhésion, conformément à la position arrêtée par la France et l’Allemagne au terme d’une discussion préalable. Bien que ce long délai d’attente ait été jugé excessif par Recep Tayyip Erdogan, chef du parti au pouvoir, la prise de position de la France a permis de rassurer la Turquie par rapport à plusieurs déclarations d’hommes politiques français hostiles à une telle candidature, en particulier celle du président de la Convention, Valéry Giscard d’Estaing, qui a déclaré que la Turquie « n’était pas un pays européen » ; cette déclaration incendiaire a ensuite été explicitée par son auteur comme signifiant qu’il convenait de marquer une « pause » dans l’élargissement à un moment crucial de l’approfondissement de l’Europe. On peut être convaincu que la voix des grands hommes politiques français exprime toujours « une certaine idée de l’Europe ». – Le sommaire de l’AFRI 2003