Syrie, Iran : le retournement du Proche-Orient

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Amorcée au printemps 2011, la révolte contre Bachar al Assad et son clan semblait ouvrir la voie à une extension du « Printemps arabe » à la Syrie. La réalité politique, sociologique et religieuse du pays a empêché que la révolte ne se propage d’emblée à l’ensemble de la Syrie, comme ce fut le cas dans les autres pays arabes, où la révolution a rapidement balayé le pouvoir en place. En Syrie, comme ailleurs dans le monde arabe, les minorités se sentent menacées par un monde sunnite qui cherche à affirmer sa puissance : la minorité alaouite cherchera l’appui de la mouvance chiite courant au travers du Liban (Hezbollah), de la Syrie, de l’Iraq et de l’Iran pour enrayer la rébellion. Cette dimension religieuse explique que rapidement la Syrie se soit transformée en champ clos où les puissances extérieures ont très tôt cherché à s’emparer du conflit pour promouvoir, les uns, la rupture de l’axe chiite Beyrouth-Damas-Bagdad-Téhéran, les autres, la recomposition des rapports de force structurant le Proche-Orient. Autant dire que la mosaïque des factions ennemies ou alliées en Syrie va rapidement évoluer sous l’action d’acteurs extérieurs. En quelques mois, le soulèvement populaire de la majorité sunnite contre le régime alaouite de Bachar el-Assad va céder la place à un djihad global sur la terre syrienne.

A cette dimension s’est superposée, à partir de 2012, la nouvelle dynamique de la question iranienne. L’équation politique à Téhéran évoluait, en prévision des élections présidentielles de 2013, en faveur des modérés et des réalistes, laissant entrevoir aux Etats-Unis qu’existaient des possibilités non négligeables de sortir de l’impasse dans laquelle les relations entre Téhéran et Washington étaient embourbées depuis plusieurs décennies. Avec la tournure que prit la crise syrienne avec l’irruption de mouvements djihadistes, les Etats-Unis perçurent qu’ils partageaient des intérêts objectifs communs avec les Iraniens face à la montée en puissance de mouvements sunnites sectaires proches de la mouvance d’Al Qaïda, qui mènent des actions extrêmement violentes en Syrie, en Afghanistan, au Yémen et en Irak. La crise syrienne recompose ainsi le Proche-Orient, ce qui provoque des retentissements considérables. Tout d’abord, une de ses conséquences possibles pourrait être de facto la fin d’arrangements géopolitiques qui remontent aux Accords Sykes-Picot. Une autre conséquence de la crise syrienne est bien évidemment, même s’il suscite encore au Congrès de nombreuses oppositions, le retournement de la position américaine à l’égard de l’Iran. Si Washington a réaffirmé son soutien indéfectible à Israël et son engagement auprès des monarchies pétrolières du Golfe arabo-persique, il n’en demeure pas moins que l’administration Obama a ouvert la voie à de nouveaux équilibres avec le rapprochement décidé avec Téhéran. Enfin, la crise syrienne pourrait avoir des retentissements plus à l’Est modifiant les rapports complexes entre Pakistan, Inde et Chine.