Sud-Soudan : perspectives et enjeux post referendum 2011

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A l’horizon 2011, les habitants du Sud-Soudan se prononceront, lors du referendum sur le futur statut de leur région, optant soit pour l’unité, ou la sécession avec le gouvernement central de Khartoum. Le résultat de ce suffrage comptera beaucoup moins que la manière dont seront appréhendées les négociations autour du partage des ressources, notamment les revenus pétroliers provenant majoritairement des puits du Sud.

Quatre ans après la signature des accords de paix Nord-Sud de 2005, force est de constater que la mise en œuvre du CPA (Comprehensive Peace Agreement) se révèle difficile et périlleuse, notamment en raison du manque de volonté politique des différents protagonistes et de l’instabilité de plusieurs régions du Centre et du Sud, qui sont autant de points d’achoppement au processus de paix. La situation tragique au Darfour a occulté, ces dernières années, l’enjeu fondamental que représentent les pourparlers de paix Nord-Sud dont la réussite ou l’échec risquent de déterminer et dessiner les dynamiques de conflit dans l’ensemble du pays (fronts du Darfour, de l’Est et du Nord).

En dépit de ses terres agricoles, des dividendes du pétrole, des investissements étrangers et de l’aide internationale, le Sud-Soudan demeure une région sous développée qui manque cruellement d’infrastructures. Ceci est d’autant plus pertinent concernant les équipements pétroliers, qui se trouvent exclusivement au Nord du Soudan. Ce facteur est essentiel car il illustre l’interdépendance économique du Nord et du Sud et la nécessité impérieuse de parvenir à un règlement politique englobant cette dimension.

Par ailleurs, les interrogations subsistent en ce qui concerne le futur du Soudan suite au referendum. Plusieurs configurations politiques sont envisagées :
-*- Réunification forcée : décision unilatérale du NCP (Natinal Congress Party) de se retirer du CPA dans l’intérêt de préserver l’unité avec comme risques potentiels le gel de l’accord de partage du pouvoir et des ressources Nord-Sud et un retour à la guerre.
-*- Réunification pacifique : les dispositifs juridiques du CPA seraient maintenus, la décision résultant du referendum au Sud avec l’accord expresse du Nord. Cette hypothèse réduiraient les risques de conflit et permettraient de temporiser le rythme des négociations Nord-Sud autour de la redistribution des richesses et du pouvoir politique.
-*- Sécession de facto : séparation du Sud sans le consentement du Nord, cette donne exposerait à un haut risque de conflits mais également à un enlisement du conflit de type Ethiopie-Erythrée
-*- Sécession pacifique : séparation du Sud avec l’accord du Nord, dans l’éventualité de négociations Nord-Sud pré-referendum fructueuses qui ouvriraient la voie à une coopération interétatique efficace sur les principaux enjeux, notamment concernant le devenir des territoires à statut spécial.

Au delà des schémas dualistes, des solutions intermédiaires sont possibles, telles que le système de confédération avec une séparation économique et une autonomie politique des deux entités. Dans tous les cas de figure (sécession ou unité), il est dans l’intérêt commun des gouvernements du Nord et du Sud (NCP et SPLM) de poursuivre une étroite coopération économique et politique visant à contribuer à l’essor et au développement des régions et des populations.

En outre, le problème de l’insécurité au Sud-Soudan se renforce avec une intensification des conflits intertribaux dans plusieurs Etats du Centre et du Sud (Sud Kordofan, Jonglei, Haut-Nil, Equatoria central et occidental) ainsi que dans les territoires à statut spécial (Abyei, Monts Nouba, Nil bleu). Bien qu’il soit dû majoritairement à des luttes pour le contrôle des terres et des ressources naturelles, ce phénomène est aggravé par la prolifération des armes en circulation et par le relatif échec du processus de désarmement des anciennes milices du Sud encadré par la Mission des Nations unies au Soudan (MINUS). Il faut également prendre en compte la question de la réintégration des populations réfugiées et déplacées, dont la marginalisation constitue un facteur aggravant d’instabilité dans le Sud.

Pour juguler et réguler ces violences, il serait nécessaire, avec l’aide de la communauté internationale et de la MINUS , que le Gouvernement du Sud-Soudan (GOSS) renforce ses capacités fonctionnelles et opérationnelles, notamment au sujet de la professionnalisation de son armée (SPLA), et réforme ses institutions afin de mener à bien les chantiers du développement humain et de la gouvernance démocratique, répondant ainsi au besoin de transparence et d’équité des populations du Sud et donnant des gages de stabilité en cas de sécession.

In fine, le futur du Soudan est inscrit dans des contraintes internes et internationales fortes (clivage Nord-Sud, tensions intertribales, déstabilisation des pays régionaux, jeux d’influence des alliés traditionnels) mais il lui appartient en dernier ressort de relever le défi de la paix en acceptant les concessions et les compromis nécessaires en termes de partage équitable du pouvoir et des richesses et ce, malgré la complexité du processus politique en cours et la méfiance qui subsiste entre les différents acteurs.