ThucyBlog n° 225 – Le président du Conseil de sécurité, acteur essentiel de la coopération multilatérale aux Nations Unies (1/2)

Crédit photo : ONU (licence CCA)

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Par Balkissou Hayatou, le 13 juin 2022 

La Charte de l’Organisation des Nations Unies, dans son article 24(1), confère au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les activités de cet organe politique des Nations Unies sont organisées autour d’un diplomate qui en assure la présidence tournante. Depuis 1946, un peu plus de 700 diplomates et hauts fonctionnaires ont obtenu les pleins pouvoirs pour jouer ce rôle. Ils l’ont fait conformément à l’article 18 du règlement intérieur provisoire (RIP) qui souligne que la présidence du Conseil de sécurité échoit, au cours du mois civil, à tour de rôle, à chacun de ses membres dans l’ordre alphabétique anglais. À partir de cette règle, l’exercice de cette fonction implique le respect des méthodes de travail et procédures.

Le président du Conseil de sécurité est, de fait, un acteur important qui contribue au rayonnement des Nations Unies car il le représente et parle en son nom. Il lui revient également la charge de conduire les réunions et consultations informelles, de modérer les déclarations, d’autoriser les missions, donner des points et conférences de presse, etc. Durant son mandat, le président du Conseil est assisté de ses proches collaborateurs de la Mission permanente. Il travaille par ailleurs en étroite concertation avec le secrétariat du Conseil de sécurité et le secrétaire général de l’ONU. Il reçoit en outre les instructions du ministre des Affaires étrangères, du chef du gouvernement et du Chef de l’État de son pays.

La présidence du Conseil de sécurité met en lumière le partage des responsabilités entre les États membres des Nations Unies basé sur des contributions susceptibles de garantir la transparence dans la conduite des activités. L’évolution rapide des contextes et l’apparition des menaces sécuritaires sont autant de défis auxquels il est confronté. En tant qu’acteur essentiel de la coopération multilatérale onusienne, toutes les actions convergent vers le président du Conseil de sécurité. Ainsi, la légitimité politique et les pouvoirs juridiques dont il bénéficie, contribuent à en faire le catalyseur de la coopération multilatérale. Le président du Conseil de sécurité dispose-t-il véritablement d’une marge de manœuvre pour faire passer les idées et propositions de son agenda ? À la lumière de l’approche compréhensive des relations internationales, il est question d’analyser cette fonction encadrée aux Nations Unies dans un espace restreint (Conseil de sécurité) et une durée limitée (un mois).

La légitimité politique du Président du Conseil de sécurité : une valeur partagée aux Nations Unies

Le travail multilatéral au sein des organisations internationales repose sur la logique de répartition des responsabilités et rôles validés par l’ensemble des acteurs. L’exercice de la présidence du Conseil de sécurité relève d’un critère important : la légitimité politique. Dans le cadre des Nations Unies, elle résulte de la pratique démocratique qui y prévaut grâce à l’alternance. La reconnaissance par l’Assemblée générale de la capacité des quinze à jouer le rôle de gardien de la paix et la sécurité internationales consolide logiquement celle du président du Conseil de sécurité. L’accès au Conseil de sécurité des membres non permanents qui repose sur cette approche reflète la vision d’une présidence tournante reflétant le cadre dans lequel elle s’exerce. Une salle du Conseil où les membres sont installés sur une table en forme de cercle comprenant une ouverture sur le monde. La diversité des acteurs confirme l’existence de l’interdépendance qui implique une conscience collective tel que précisé au point 74 de la note S/507/2017 : « Les membres du Conseil de sécurité réaffirment que les travaux du Conseil sont une entreprise et une responsabilité collectives et qu’il est vital de renforcer la coopération et la concertation entre eux tous pour permettre à cet organe de fonctionner avec efficacité en toute transparence ».

En tant qu’acteur principal, le président du Conseil détient la légitimité politique qui émane du consensus reposant sur des déterminants interne et externe. Le premier, interne, prend source dans les interactions entre pays membres de l’ONU et pays membres du Conseil. Le deuxième, externe, résulte des dynamiques propres à la région et au pays dont est issu le président du Conseil. Les questions discutées étant d’une haute technicité, les approches et les méthodes du président se définissent et se consolident au rythme des travaux du Conseil de sécurité. En général sa stratégie est d’organiser, toucher et sensibiliser tous les membres du Conseil et pays faisant partie des Nations Unies sur les sujets en lien avec la paix et la sécurité internationales. Elle se renforce grâce à ses compétences, son expérience internationale, sa neutralité, le respect des positions agréées et la communication objective sur les décisions du Conseil de sécurité. Le rôle du président s’inscrit dans la négociation structurée par l’écoute, les échanges, la facilitation, et la modération nécessaires à prise de décision.

En menant ses activités, le président du Conseil de sécurité œuvre à la promotion des intérêts communs. C’est la raison pour laquelle il recherche en permanence le consensus. La règle essentielle du consensus repose sur la prise en compte, à toutes les étapes de la présidence, des opinions affichées par chaque membre ainsi que leurs attentes dans le but de réduire les écarts sur le sujet examiné ou la question en discussion. Finalement, la légitimité politique du président du Conseil de sécurité repose sur le partage des valeurs communes, de l’intérêt et l’engagement et du soutien que lui apportent tous les membres des Nations Unies. Il a le devoir d’incarner l’unité du groupe mais aussi la diversité de sa sous-région et région. Qu’il soit originaire d’un pays en développement, d’un petit pays insulaire, d’un pays émergent ou d’une des grandes puissances, le président doit sur le plan humain montrer sa capacité à mobiliser et assurer la conduite des projets, programmes et discussions du Conseil. Il doit incarner l’ensemble et maintenir viables les interactions pour réaliser les actions des Nations Unies.

Au-delà de la représentation quelle est la caractéristique spécifique du rôle du président du Conseil de sécurité ? Représenter ne suffit pas pour être un bon président du Conseil de sécurité. Il faut appuyer la légitimité octroyée par l’organisation en exerçant au mieux le leadership diplomatique qui se manifeste durant la présidence tournante du Conseil de sécurité. Avant d’incarner le Conseil de sécurité, le président est d’abord un ambassadeur qui représente son pays et s’évertue à entraîner les autres pour travailler de concert sur son programme mensuel. L’exercice du leadership du président du Conseil de sécurité s’inscrit donc dans une dynamique d’influences réciproques. Il permet d’identifier les intérêts respectifs des acteurs, les moyens d’interactions, les propositions et revendications à examiner lors des réunions avant les mises aux voix d’un projet de résolution.

Il est marqué au Conseil par un ensemble de transactions qui se raffermissent dans la coopération. Les attentes d’un ensemble de pays peuvent se manifester au sein des alliances ou de groupes. Il peut s’agir des membres élus E10, du groupe africain A3, de celui des occidentaux du Conseil (États-Unis, Grande-Bretagne, France), des non-occidentaux du Conseil (Chine et Russie), des pays du sud dans le cadre du mouvement des non-alignés, des pays en voie de développement A3, pays d’Amérique du Sud, caraïbes et pays d’Asie. Même si le Conseil de sécurité domine et encadre les actions de son président, ce dernier demeure influent dans la mesure où il fait l’objet des sollicitations et d’attentions aussi bien des membres que du secrétariat général. Cette influence s’opère à deux niveaux, au Conseil et dans le cadre plus général des Nations Unies.

Le caractère méthodique de la présidence du Conseil contribue ainsi au bon déroulement des négociations internationales grâce à l’alternance dans la représentation et le partage du leadership diplomatique. Il convient de souligner que les mandats mensuels de la présidence tournante ne se ressemblent pas à cause des facteurs tels que le contexte et les enjeux d’une part, et d’autre part, les qualités personnelles du président. En plus du contenu de ses exposés et conduite des réunions propres à la négociation multilatérale, le président du Conseil adopte des codes et attitudes, intonations, formules et postures variables.

Ces attitudes peuvent avoir un impact sur le déroulement des activités et sont susceptibles de déterminer la qualité des interactions et des décisions. En cas de situation d’urgence, le président du Conseil bénéficie en général du soutien de ses pairs ce qui permet une action vigoureuse de l’organe. À travers plusieurs décennies, certains mandats ont été qualifiés d’historiques, lorsque le président du Conseil a réussi à finaliser des négociations complexes. De fait, la mise en place des nouvelles méthodes de travail, renforcée par la nature des différents acteurs, notamment les grandes puissances ont un impact important sur la réactivité du président lorsqu’il est membre élu.

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