Par Insaf Rezagui, le 20 avril 2020
Sous blocus maritime, terrestre et aérien israélien depuis plus de treize ans, les Palestiniens de la Bande de Gaza pourraient subir une crise sanitaire sans précédent si l’épidémie de Covid-19 venait à circuler dans ce territoire. Au 12 avril, 288 Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est ont officiellement été infectés par le Covid-19 dont deux qui en sont morts. Les inquiétudes des habitants, des soignants, des autorités palestiniennes et des ONG israéliennes, palestiniennes et internationales sont fortes. Le risque est immense de voir un système de santé s’écrouler définitivement.
Si le conflit israélo-palestinien, et tout particulièrement le blocus israélien de la Bande de Gaza, est souvent traité dans nos médias sous l’angle politique, l’actualité nous ramène à une triste réalité très souvent occultée : le système sanitaire palestinien de la Bande de Gaza, et dans une moindre mesure de la Cisjordanie, est au bord de l’implosion depuis de nombreuses années. Tout laisse à croire qu’en cas de circulation de l’épidémie dans la Bande de Gaza, cette dernière ne s’en remettrait pas.
1- Le système de santé de la Bande de Gaza au bord de l’implosion
Depuis l’instauration du blocus israélien, mais également égyptien, de la Bande de Gaza, le système de santé de ce territoire n’a eu de cesse de se détériorer. Aujourd’hui, après plusieurs guerres et de nombreuses attaques et oppositions, la Bande de Gaza résiste tant bien que mal. Le système de santé survit avec les moyens du bord. L’aide internationale, notamment celle des ONG présentes dans la région, permet de pallier les multiples défaillances tant bien que mal. Le matériel médical manque, l’approvisionnement en médicaments est entravé voire complètement bloqué, les structures médicales sont en ruine, le personnel médical qualifié manque, les sorties des personnes malades de Gaza en raison de l’indisponibilité des traitements dont elles ont besoin ne sont plus permises, l’électricité et l’eau potable se font rares. Tous ces facteurs sont déjà désastreux pour la prise en charge des malades en temps normal. Si l’épidémie de Covid-19 venait à circuler sur le territoire de la Bande de Gaza, nul doute que la catastrophe annoncée se transformerait en cauchemar.
La surpopulation du territoire serait un facteur accélérateur d’une telle épidémie. Comment confiner et freiner une épidémie quand deux millions de personnes s’entassent dans une bande de terre de 41 kilomètres de long et six à douze kilomètres de large ? La situation est tout aussi inquiétante pour la Cisjordanie et Jérusalem-Est, sous occupation israélienne.
2- Face au Covid-19, Israël a un devoir de protection des populations placées sous son contrôle effectif
Face à cette situation sanitaire qui s’aggrave jour après jour, le droit international humanitaire pose des règles claires, notamment en ce qui concerne la protection de la santé de personnes placées sous le contrôle effectif d’une puissance occupante. Ainsi l’article 56 de la IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, prévoit expressément :
« Dans toute la mesure de ses moyens, la Puissance occupante a le devoir d’assurer et de maintenir avec le concours des autorités nationales et locales, les établissements et les services médicaux et hospitaliers, ainsi que la santé et l’hygiène publiques dans le territoire occupé, notamment en adoptant et en appliquant les mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies. (…)
En adoptant les mesures de santé et d’hygiène, ainsi qu’en les mettant en vigueur, la Puissance occupante tiendra compte des exigences morales et éthiques de la population du territoire occupé. »
Ainsi tant que le blocus de la Bande de Gaza et l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est perdureront, les autorités israéliennes se doivent de respecter leurs obligations internationales, notamment celles dictées par le droit international humanitaire. Elles doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir et mettre en œuvre leur devoir de protection envers leurs citoyens mais également envers toutes les populations qui sont sous leur contrôle effectif. Dans la Bande de Gaza, cette protection doit se matérialiser par l’adoption de mesures immédiates par Israël : faciliter l’acheminement du matériel médical et des médicaments nécessaires, permettre l’approvisionnement, notamment celui de l’aide internationale, d’équipements de protection individuelle et de tests de dépistage du Covid-19, garantir l’accès aux territoires palestiniens pour les personnels médicaux et humanitaires et autoriser les sorties de la Bande de Gaza des patients nécessitant des soins qui ne peuvent être prodigués dans les hôpitaux et centres de soin gazaouis. Cependant ces mesures ne peuvent être optimales sans la levée du blocus de la Bande de Gaza.
Une fois de plus la Bande de Gaza est confrontée à une situation sanitaire exceptionnelle qui devient, avec les années, une normalité déroutante et catastrophique pour ses deux millions d’habitants. Déjà, en 2017, le responsable de l’Organisation mondiale de la Santé dans les territoires palestiniens occupés, le Docteur Gérald Rockenschaud, déclarait que « jouir du meilleur état de santé possible est un droit fondamental de tout être humain ». Trois ans plus tard, l’accès à la santé reste entravé. Cette épidémie pourrait être violente dans la région. Elle révèle aussi l’importance du respect des obligations internationales par les États afin de lutter efficacement contre cette épidémie.